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Le poème comestible
L'enfant attrape un papillon: cela se mange.
Et le requin, l'enfant: cela se mange aussi.
Et Dieu attrape le requin, pour le manger,
à moins que ce ne soit - qui sait ? - pour le principe
Mais Dieu, répondrez-vous, qui donc le mangera,
pour que la chaîne continue, et le poète
n'arrête pas son beau poème en plein milieu ?
Le poème est prudent: il rebrousse chemin
car Dieu a peur de ce poisson aux dents trop longues,
et le requin a peur de l'enfant â la flèche;
et l'enfant, de la fleur vénéneuse qui veut
passer pour un beau papillon, chacun restant
sur sa faim - c'est fatal - surtout le sot lecteur
qui ne sait pas que les poèmes sont mangeables.