[L’âme russe est une] expression fourre-tout, difficile à expliquer. Il existe tout une mythologie liée à l’échelle du pays. Cette âme russe se présente comme un concept très ouvert, à l’image du territoire du pays, mais en réalité, elle est le contraire-même de sa mythologie : refermée sur elle-même, locale et exclusive. On pourrait la résumer comme le romantisme d’un peuple qui vit constamment dans un Etat mauvais, un Etat négatif, distant, que les gens détestent, mais qu’ils défendent de toute leur âme en cas de danger.
Un jeune Allemand quitte aujourd’hui l’école secondaire informé en détail sur les crimes du nazisme. Un jeune Russe sort de l’école sans n’avoir jamais entendu parler des crimes du stalinisme et sans même connaitre le mot de goulag.
La rapidité avec laquelle il a été mis fin à l’Union soviétique et le fatalisme des Russes m’impressionnent. La majorité d’entre eux semblent fort bien s’accommoder de la disparition de ce pays si puissant sur la scène mondiale mais qui a fonctionné comme une véritable machine destructrice des cultures et des individus à l’intérieur de ses frontières.
Le verbe pravit ‘ peut tout aussi bien signifier « gouverner » que « manger ». les pratiques anciennes démontrent que, au fil de l’histoire, il y a eu confusion entre l’acte de nourrir et celui de diriger.
Mes collègues russes restaient toutefois profondément sceptiques face aux révélations d'historiens sur les archives soviétiques. Accepter qu'on leur ait menti pendant si longtemps sur des sujets aussi graves n'était pas chose aisée.