Russie, ce pays qui me fascine depuis mon enfance … D'abord par son immensité sur la mappemonde lumineuse qui éclairait mes lectures clandestines. Je me souviens aussi de ces longues heures passées à rêver de ces steppes parcourues par Michel Strogoff ... Et puis parce qu'à l'époque (la fin des années 70), ce pays représentait le Mal absolu, la plus grande menace sur ma petite vie. J'ai grandi à l'ombre des rideaux de missiles pointés sur mon pays. J'ai vu mes parents stocker du sucre, de la farine, des pâtes, des boites de conserve, des allumettes dans notre grenier …
Fascination. Et pourtant je n'y ai jamais mis un pied, je n'ai jamais appris la langue. Pire : je n'ai quasiment aucun auteur russe dans ma bibliothèque … Alors voilà quoi de mieux que cette petite mise en bouche proposée par la collection « l'âme des peuples ». Et en termes d'âme, les Russes s'y connaissent, parait-il.
La première partie est le témoignage d'un spécialiste du pays, journaliste, envoyé spécial. Bof. On sort assez peu des sentiers battus, des lieux communs. Les entretiens menés avec des personnalités russes sont bien plus intéressants:
Tamara Kondratieva évoque la fascination des Russes pour les pouvoirs forts et leur soumission à celui qui les nourrit, que ce soit l'Etat soviétique ou le Tsar. Elle relève d'ailleurs qu'en russe le même verbe signifie gouverner et manger. La romancière
Ludmila Oulitskaïa dresse un portrait peu flatteur de la société russe actuelle (« le sentiment anti-occidental y est très élevé. Les gens simples sont manipulés ») et de la classe dirigeante (« L'actuelle classe dirigeante vient des bas-fonds, manque d'éducation et parle un langage de caniveau »). Fiodor Loukianov, quant à lui, essaie de définir l'âme russe, « expression fourre-tout, difficile à expliquer. […] On pourrait la résumer comme le romantisme d'un peuple qui vit constamment dans un Etat mauvais, un Etat négatif, distant, que les gens détestent, mais qu'ils défendent de toute leur âme en cas de danger ».
Bon je crois que je vais plutôt me lancer dans la lecture des romans russes. Et là je crois qu'il y a de quoi voir venir … (comme on dit chez moi).