Alain Gauthier (II)

Nous sommes au début d'un nouveau cycle, avec la remise en cause de plusieurs facteurs interdépendants qui ont dominé notre histoire récente : 1) Trente ans de capitalisme effréné et d'hyperconsommation - qui ont été caractérisés par des excès économiques et financiers au détriment du bien-être individuel, de la justice sociale et de l'environnement. 2) La modernité occidentale et le «salut par l'économie» - qui ont certes apporté des libertés et des droits humains et sociaux pour beaucoup depuis 250 ans, mais aussi une chosification de la nature et des hommes, se traduisant notamment par de nouvelles formes d'inhumanité. 3) La domination du mental en Occident depuis environ 3 000 ans - qui eu pour conséquence un déséquilibre entre intellect et intelligence du coeur et du corps. 4) Le patriarcat qui a conduit depuis 6 000 ans environ à la domination des femmes et de la nature par les hommes ainsi qu'à des hiérarchies exclusives concentrant le pouvoir et la richesse dans les mains de quelques privilégiés - exacerbant ainsi des sentiments de pénurie, d'humiliation et de peur. 5) Une période d'adolescence pour l'humanité, qui s'est peut-être conclue avec la fin d'un grand cycle solaire le 21 décembre 2012.

Cependant, de nombreux signes de l'amorce de ce nouveau cycle sont déjà visibles - même s'ils ne sont pas encore mis en valeur par les média dominants. En particulier, de nouvelles formes de leadership plus collaboratif, appelées ici co-leadership, co-dirigeance ou partenariat, donnent l'exemple de l'expérimentation anticipatrice et de l'interdépendance entre transformation personnelle et sociétale. Le co-leadership évolutionnaire crée les conditions permettant aux individus de «croître en humanité» et de libérer leur potentiel créateur - par l'adoption de pratiques individuelles et collectives qui deviendront des composantes essentielles d'une éducation transformée. Par l'exemple, il offre la possibilité d'un développement qualitatif à tous les êtres qui le souhaitent - participant ainsi à l'étape clé de l'évolution qui s'ébauche actuellement. Cette évolution combine le meilleur des sociétés traditionnelles, de la modernité et de la postmodernité - tout en les transcendant - pour manifester une nouvelle sagesse, en relation équilibrée avec la nature, la communauté humaine et le sens.

La conjonction de ces facteurs dans les dernières décennies a conduit à des formes de management et de leadership qui ont fortement limité le développement et la créativité des individus et de leurs communautés, et dégradé leur rapport à la nature et la signification de la vie. En particulier le mode managérial dominant - recourant à la coercition par des outils de gestion de plus en plus complexes et contraignants ainsi qu'à la pression de la productivité systématique - a réduit la confiance, l'engagement et la créativité des salariés et appauvrit les rapports humains, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la plupart des grandes organisations. Dans le domaine social et politique, cette évolution récente a conduit à une forte perte de confiance des citoyens dans les leaders en place, avec très peu d'exceptions.

Faire preuve de leadership aujourd’hui, c’est participer à cette mutation en étant capable de franchir un seuil ouvrant sur l’inconnu et de donner l’exemple en découvrant ou inventant de nouvelles possibilités à explorer et réaliser.