Plus l’art s’efforce de s’identifier à ce qu’on lui présente comme la vérité du monde, plus il s’isole de ceux qui la refuse, plus il craint toute critique, plus il se sépare de lui-même et du monde, plus il renforce sa négativité. Son illusion narcissique est profondément mortifère, loin de réaliser une liberté authentique, elle ne fait que révéler son aliénation à une société perverse où sont rois le cynisme, l’opportunisme et l’égoïsme, ces processus primaires compagnons amoureux du moi infantile.
La fantaisie se réduit à se replier sur soi, à changer de vêtements, de décor, d’habitat, de véhicule, à faire du shopping dans les grandes surfaces, à idolâtrer les "people", à courir les concerts, à naviguer sur Internet, à regarder la télé, à zapper de chaîne en chaîne, lesquelles proposent toutes les mêmes valeurs idéologiques sous des leurres différents. Tout spectacle favorisant un quelconque "être-ensemble", surtout "a"politique, débitant ad nauseam des banalités, paraît un moyen de tromper la monotonie et de masquer l’inquiétude engendrée par la solitude sociale.
Sous le regard de tous, les richesses s’accumulent pendant que l’immense majorité de la population mondiale se divise toujours plus en pauvres et en riches. Les banques, pourtant parmi les principales responsables de la crise économique, accablent de dettes ceux qui les sauvent. Chômage et précarité, marginalisation et clochardisation menacent le monde, alors que l’informatisation et l’automatisation étaient censées faire baisser le temps de travail au bénéfice du temps culturel.
Le pop art, c’est ce qui se consomme, s’avale et s’expulse sans autre but que d’aiguillonner la reviviscence des plaisirs des pulsions primaires. Un mixte des stades oral et anal. C’est un regard zoomant en gros plan sur le sein nourricier , le consommable, l’incorporable et l’introjectable. Le pop art, c’est le rêve américain aux hormones, aseptisé et castré, refoulant la face sombre et fragmentée des conflits de classes qui menacent l’ordre marchand. Un art apparemment ouvert sur le monde, mais en réalité sur le seul monde de la marchandise libérale, celui qui ne s’intéresse qu’à lui-même.
Ce que fait l’art en décrétant artistique le n’importe quoi est une négation radicale des codes et des règles, des contraintes et des critères qui imprègnent et structurent encore de nos jours la plupart des consciences, qu’elles soient celles d’artistes ou elles de ceux qui ne le sont pas.
(…) si l’individu donne parfois le sentiment qu’il a besoin des autres, c’est en réalité exclusivement pour être admiré. Il pense que tout lui est dû, que le monde n’a d’intérêt que s’il sert sont appétit de toute-puissance. Culturellement et politiquement, on voit alors que narcissisme et libéralisme libertaire se nourrissent l’un l’autre, en réduisant la vie sociale à un marché du désir instillant dans les imaginaires qu’en lui réside la liberté.
(…) la sociopsychanalyse se fonde sur le fait, assez simple, que rien, ni les événements propres au sujet, ni ceux relevant du collectif, n’est à l’écart des conflits de l’Histoire générale. Tout phénomène est la résultante des forces culturelles, économiques et essentiellement politiques. De ce point de vue, l’oeuvre est bien un fait social total.
(...) la politique du groupe social dominant (…) a compris que, de tous les consommateurs, l’enfant était le plus aveugle et le plus excitable. Modèle comportemental qu’il a tout intérêt à valoriser. Ainsi l’individu doit être dressé à être le futur client absolu, et structuré mentalement pour chercher sans cesse à satisfaire son propre désir.
Considérés comme des symptômes, les textes et les oeuvres peuvent (…) être avant tout envisagés comme les traces des conflits inconscients de l’imaginaire collectif à une époque troublée et non pas seulement comme des sublimations toujours cathartiques.
(…) les groupes sociaux peuvent être considérés comme des personnalités possédant un fonctionnement inconscient sur de nombreux points analogue à celui du sujet individuel. Comme lui, ils subissent des influences et se voient formatés.