Alain de Kuyssche

Le Trombone illustré... Ou le bouquin que t'es "obligé" d'avoir, si t'es fan de Franquin, si t'es fan de bd.



Un monument... une arlésienne pour moi (jusqu'à cette réédition), j'en avais entendu parler toujours avec ce côté : « c'était bien, le bon vieux temps, c'était dingue », j'en avais lu des bouts (deux trois), mais je n'avais jamais eu l'intégralité de ce foutu Trombone entre les mains...

Donc quand j'ai vu arriver dans la librairie cette intégrale, mon petit coeur tambourinait dans ma poitrine et que j'avais un sourire béat et puis j'ai vu son prix ( 70 euros arglh! Ou Rontudju ! Voir M'enfin !).. Et j'ai été triste, presque le gros sanglot de môme...pasque bien sûr 70 euros c'est même pas en rêve... Et puis y a eu un gros paquet sous un sapin de la part de mon chéri...et que du bonheur, merveille et félicité quand j'ai ouvert le paquet... Mon chéri je t'aime ! ( mais objectivement j'avais du à peine le tanner cette année-là..^^)





Alors certes ce bouquin s'ouvre sur des mots pas très chouettes « rancunes, frustrations, non-dits » quand j'ai lu ça j'ai fait ah bon en fronçant mes petits sourcils...

Mais quand on lit plus loin on comprend, pourquoi ces mots.



Oui toutes cette aventure libertaire s'est arrêtée soudainement, à cause de Monsieur Charles (Dupuis).

Des numéros y en a eu 30 et c'est tout et c'est pas beaucoup.. 30 numéro de quatre pages...

Mais Dupuis (Charles) a cédé à la vindicte bien pensante et a fait cesser cette chose improbable... et je trouve ça bien triste... Mais en même temps, c'était plutôt courageux de sa part d'avoir dit oui à la base... avec le Trombone on était bien loin de la bien-pensance lisse de Spirou...





Quand les frondeurs des éditions Dupuis et d'ailleurs (travaillant ailleurs que chez Dupuis) sortaient un supplément pour les pages de Spirou, un supplément adulte et libre... un supplément corrosif....



L'éditorialiste de ce journal, c'est Jules de chez Smith en face. Avec sa bande de potes ils ont investi les cave de chez Spirou et la nuit font marcher les rotatives...

Et ils vont aborder bien des sujets... bien des questions...



L'écologie, le capitalisme à outrance, le féminisme ( Bretecher est passée par là, et Nana qui a écrit quelque lettre, militante au MLF Nana, mais qui est en fait Delporte Nana), anti-tabac, l'antimilitarisme convaincu de Franquin (alors que dans Spirou c'est plutôt le contraire faut dire ce qu'y est, rien qu'avec Buck Danny, et ce qui paraissait à l'époque dans le journal, c'est d'ailleurs une des raisons de l'arrêt du Trombone, Franquin fustigeait dans un article avec en plus des petits dessins, le redac en chef du journal qui parlait de maquette d'avion guerre nazi...)

Le journal de Spirou était en chute libre d'ailleurs à l'époque.. l'humour un peu potache, anti-clérical convaincu de Delporte (pour un journal catho... ça passait pas bien du tout)... anti-pub... ouais pour Spirou ça devait carrément être subversif... et j'ai un sourire..



Où Franquin a crée ses Idées Noires... et qu'il continuera par la suite, voir retravaillera un peu...



La fine équipe Delporte et Franquin en chef de file, qui demandent aux copains de participer, sans aucune censure de rien... Rooh.. Et bonjour les copains, des sacrés, des qui aiment la déconnade, ou qui ont un message à faire passer...

Ouais, alors on a :

Franquin et Delporte (bien sûr) mais aussi

Gotlib, Bilal, Loup et Jannin, Hausman et Alexis, Roba, Bretecher et Tardi, Mézière et Moebuis et des tas d'autres, la liste n'est pas exhaustives.. plein d'autres, ça différait suivant les numéros...



L'idée du cadavre exquis en bd.. tant scénaristiquement que niveau dessin, « à ton tour copain. ». les pointures qui se sont enchaînées dingue !... quelle idée géniale...



Oui les frondeurs, avides de liberté, avides de parler, de raconter, en ayant ras le bol de la censure, de la bien-pensance du journal et du monde de l'édition de cette époque là en général, caricaturé par M. Boulier, ou M. Prunelle dans les textes... et y allant un peu franco de port...

d'ailleurs ils prévenaient les lecteurs juste au dessus du titre par un encart disant

« Ceci peut être considéré comme un supplément à Spirou ; toutefois les auteurs de nos dessins et textes soulignent l'entière indépendance de leurs oeuvres, qui ne peuvent engager la rédaction de Spirou ; de même, leurs opinions ne reflètent pas nécessairement celle de l'éditeur »

Voilà, ça c'est dit... et à chaque numéro l'encart changeait mais le fond restait le même...



Alors je dois aussi dire que lire le Trombone en 2019, et bien comment dire, impression qu'ils se choquaient pour pas grand choses à mon sens, je ne trouve cela pas si méchant, et complètement normal, voir assez réaliste (de nos jours on est toujours en plein dedans). Voir je ne trouve pas cela très drôle, c'est pas à se claquer la bedaine, non... un petit sourire en coin en essayant de remettre tout ça dans son contexte d'époque.

Mais en même temps c'est un monument, un témoignage, une page de l'air du temps... 1977... et c'est bien inscrit dans son temps, et pourtant quand on le lit (ou le relit) en 2019 les sujets sont toujours les même.. c'est fou !



Par contre franchement, vu le prix du bouquin je trouve un peu abusé (plus qu'abusé même) de ne pas avoir mis les vraies tailles des pages de titres, d'avoir tronquer les pages, il en manque des bouts, la maquette pour ainsi dire de ce livre est assez minable, des problèmes de mise en page qui fait qu'on ne peut lire tout les textes, sans défoncer, écarteler (au sens littéral) le livre, là franchement.... j'ai fait pfff ! Et j'ai grommelé... Et j'ai eu une méchante pensée pour M Boulier et M. Prunelle...



Un page d'histoire de la bd franco-belge, à découvrir, pour plein de raisons autres que la bd d'ailleurs..

L'édition aujourd'hui définitive, puisque hélas Jacques Martin nous a quittés. C'est passionnant, richement illustré. Et de page en page, nous assistons à la genèse d'une oeuvre tout en découvrant la profonde humanité d'un dessinateur et écrivain de talent. Chapeau bas.

Adieu Maître. L'Olympe vous appartient désormais.