Cette histoire commença par trois enterrements et s’acheva sur un cœur brisé : le mien. L’été 1914, j’avais dix-neuf ans et j’étais à moitié asthmatique, à moitié pacifiste et à moitié écrivain. A moitié asthmatique : je toussais moitié moins que les malades, mais deux fois plus que les bien portants. A moitié pacifiste : en réalité, j’étais trop mou pour militer contre les guerres. J’étais juste contre le fait d’y participer. A moitié écrivain : le terme écrivain est prétentieux. Même quand je dis “à moitié écrivain” j’exagère. J’écrivais des livres sur commande. C’est-à-dire que j’étais un nègre. (Dans le monde de l’édition on qualifie de “nègre” celui qui écrit des livres que d’autres signent.)
(Incipit)