Nous sommes à la veille de la Grande Guerre, à Londres. Thomas Thomson, dernier maillon d'une longue chaîne de nègres pour le compte d'un auteur dont l'oeuvre prolifique ( 3 livres/semaine) se situe principalement en Afrique, vient de perdre sa principale ressource de revenus. Ambitionnant d'être un jour écrivain, il est abordé à la sortie d'un enterrement par Edward Norton, un avocat qui a la tâche difficile de défendre un pauvre hère accusé du meurtre de deux aristocrates. Contre une rémunération substantielle et la perspective d'écrire un livre qui bouleverserait sa vie et le monde, il lui propose de recueillir la confession de
Marcus Garvey, un gitan condamné à la potence. Entre la menace d'une guerre mondiale imminente et l'ouverture prochaine d'un procès perdu d'avance, Thomas Thomson, pressé par le temps, consigne scrupuleusement les souvenirs de cet assassin.
Après une vie d'errance en compagnie de ses parents, subitement devenu orphelin,
Marcus Garvey est employé aux écuries et aux cuisines à la résidence du Duc Craver où il fera la connaissance de ses fils; William, membre d'un conseil d'administration d'une banque poursuivi pour escroqueries et malversations et, Richard, renvoyé de l'armée pour ses moeurs dévoyées. Peu enclin à attendre que la justice décide de leur sort, les frères Craver mettent sur pied une expédition au Congo, pays inconnu qui offrirait aux plus téméraires gloire et richesses. Ayant des notions de français,
Marcus Garvey les accompagne dans cette aventure qui se transformera en cauchemar. Au delà de la découverte d'une mine d'or généreuse, ils feront la connaissance d'une autre civilisation venue des entrailles de la Terre, celle des Tectons, des êtres d'une blancheur absolue, gigantesques et visiblement belliqueux. La rencontre entre ces deux civilisations atteindra un point de non-retour lorsque les conflits d'intérêts se cristalliseront autour d'une captive.
Albert Sánchez Piñol nous offre une histoire dans le plus pur style des romans du XIX siècle. Hymne à la littérature populaire, il mélange habillement et pour notre plus grand plaisir, le fantastique, le roman d'aventures, l'exotisme, le thriller, le romanesque, et ménage savamment le suspense et les coups de théâtre. Il rend compte aussi d'un certain état d'esprit ou de mentalité des colons britanniques avec leurs préjugés et leurs idéaux. Plus qu'un excellent roman de gare, c'est un livre dans le livre, un livre à tiroirs dont il maîtrise toutes les ficelles. le lecteur est mené par le bout du nez sans qu'il n'y prenne garde et à l'instar de Thomas Thomson, s'enlise sans résistance aucune dans cette épopée rocambolesque. Albert Sánchez Piñol nous balade entre Londres et le Congo, entre Marcus, Thomas à 19 ans lors des faits et Thomas 60 ans après, Edward Norton, et notre serviteur, l'auteur lui-même. le lecteur bascule dans cette fantasmagorie avec une joie indescriptible quasi infantile. Sa faconde, son imagination débridée lui permettent de poser des questions sur l'utilité de la guerre, les relations entre les peuples, la ligne étroite qui départage la fiction, le réel et l'imaginaire, la manipulation intellectuelle, le pouvoir incontestable de la presse, le racisme, le caractère de l'homme et la notion du destin.
Sans être une oeuvre de grande envergure,
PANDORE AU CONGO est divinement divertissant. Il nous tient en haleine jusqu'au point final, nous met au supplice car rien ne parait ce qu'il semble être, un livre gigogne en perpétuelles mutations. Ne pas attendre l'été pour s'y plonger, la touffeur du Congo réchauffera nos os en cette période de froid. J'ai été doublement heureuse de le lire car 1) ça a été un moment de pure jouissance, 2) le conseil de mon enfant s'est révélé judicieux.
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