Je sentais que j'aimais ma femme chaque jour davantage, mon sentiment s'alimentant et se renforçant chaque soir de celui du soir précédent; et elle, de son côté, ne semblait jamais épuiser le trésor de sa tendre et sensuelle complaisance. Ce sont ces nuits qui pour la première et peut-être la dernière fois de ma vie me firent pénétrer le sens de ce que peut être une passion conjugale : ce mélange de dévotion ardente et de légitime luxure, de possession exclusive et sans limite et de joie confiante née de cette possession même. Pour la première fois, j'éprouvai le sentiment d'être le maître, sentiment que les hommes appliquent parfois indiscrètement aux rapports conjugaux, disant "me femme", comme ils disent "ma maison", "mon chien", "mon automobile".
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