La noce est prévue. Ma mère propose d'organiser le déjeuner de mariage à Paris, chez nous rue Mesnil. Mi-heureux mi inquiet, je participe aux préparatifs et reçois le matin même de la noce, tôt, un coup de téléphone d'Emmanuel qui d'une voix frêle et guillerette m'annonce :
- Alexandre, je ne me marie plus.
- Pardon ?
- Je ne me marie plus.
Comment peut-il caler des épousailles pour l'éternité, puis tourner bride avant même le début du bal ?
- Que fait-on du déjeuner ? Il y a vingt plats qu'on a mitonnés..., une armée de desserts, deux cents bouteilles, du champ...
- Tu ne changes rien ! me déclare Emmanuel avec joie. Le déjeuner devient un repas de fiançailles. Je me fiance !
- Tu la quittes ou tu te fiances ?
- Je l'aime, je me fiance.
Ça ne lui gerce pas la glotte de dire des choses pareilles, de godiller avec frivolité dans les choses graves. Tout Emmanuel est là, dans cet alliage du lourd et du léger.