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Critiques de Alfred Sauvy (2)
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les 4 roues de la fortune

C’est un excellent exercice d’hygiène intellectuelle que de se plonger dans les réflexions sur la société telles qu’elles étaient développées il y a un demi-siècle. Cette sorte de récréation est de nature à vous sortir des présupposés inconscients de notre époque, dont les analystes de notre temps ont, quel que soit leur courant de pensée, du mal à se libérer.

Et, en matière de pensée économique, comment s’y livrer mieux qu’avec Alfred Sauvy, qui fut, depuis l’entre-deux-guerres jusque dans les années 60, l’un des penseurs les plus originaux et les plus rigoureux à la fois de la société, sous ses angles démographiques, économiques, sociologiques, et économiques ? Il fut l’inventeur de l’expression "tiers monde", le créateur de l’institut d’études démographiques, car il avait, le premier, pris conscience de l’importance de la démographie, et, dès le Front Populaire, les grands de notre pays s’arrachaient ses conseils, hélas trop rarement suivis.

Ajoutons qu’il avait prévu, avec dix ans d’avance sur les évènements de mai 1968, que la politique universitaire allait, si elle n’était pas adaptée, à des remous graves de la part des étudiants, et, avec cinquante ans d’avance, que, sauf aménagements particuliers de notre politique en la matière, nous risquions de voir notre société ébranlée par une immigration massive venant du Sud.

C’est pourquoi je me suis lancé, dans l’espoir de ressentir un vent frais dans nos discussions actuelles stéréotypées sur les transports, dans la lecture des "4 roues de la fortune", où, à, une époque (il y a 55 ans) où tout le monde, depuis le grand public jusqu’à nos dirigeants, locaux et nationaux, ne jurait que par l’automobile, Sauvy montre, à contre-courant, tous les inconvénients d’un développement non maîtrisé de ce mode de déplacement, en même temps du reste qu’il insiste sur son caractère irremplaçable.

J’attendais sans doute trop d’un penseur dont j’ai lu, avec un énorme profit et un plaisir insoupçonné, bien des ouvrages (en particulier, "mythologies de notre temps") ; car ça a été une énorme déception.

Car, si Sauvy (encore une fois, en large avance, comme souvent, sur son temps), montre bien l’aberration économique que constitue l’octroi d’une place pratiquement gratuite (à l’époque) à l’automobile dans les villes, s’il montre l’absolue nécessité d’investir massivement dans les transports collectifs, s’il met en avant (c’est là un chapitre particulièrement instructif) ce que furent les énormes erreurs industrielles, au cours de la décennie qui a suivi la guerre, dans cette branche, comme dans des secteurs voisins, en revanche, sur bien d’autres aspects, il exprime bien plus des idées a priori qu’il n’en montre les fondements rationnels, contrairement à son habitude constante.

C’est particulièrement le cas quand il aborde la question de l’effet sur la répartition, des personnes et des activités, sur le territoire, où son approche un peu paradoxale (car pour lui, l’automobile a été davantage un outil de concentration que de dispersion) eût été extrêmement intéressante s’il l’avait appuyée sur de véritables raisonnements économiques ou sociologiques, comme il nous y avait habitué dans ses autres productions.

Cette même imprécision impressionne encore davantage dans ses développements sur la ville et la planification urbaine. Sa critique des villes nouvelles de la Région Parisienne, qu’il eût fallu, selon lui, construire dans le "désert français", quelque part dans les zones peu denses en recherche de population et d’activité économique est particulièrement provocante ; et l’on est fort déçu de voir que l’auteur n’indique pas du tout la manière dont, selon lui, on aurait pu, après avoir construit ces villes, y faire venir la population attendue, et s’en tire, pour contrer les opposants à ces théories de villes nouvelles "à la campagne", par des pirouettes élégantes, mais qui ne font pas avancer la réflexion.

Je ne m’attendais pas à devoir délivrer une évaluation aussi basse à ce très grand penseur (et j’ai conscience que mon évaluation est particulièrement basse, car, là où certains critiques de Babelio qui précisent leur échelle de cotation, indiquent que la note maximum correspond pour eux à l’ouvrage du siècle, au contraire, de mon côté, je donne systématiquement cinq étoiles à ceux que je trouve tout simplement excellents)

Alors, faut il appliquer à cet ouvrage l’appréciation que Pascal faisait de Descartes : inutile et incertain ? Je n’irai peut-être pas jusque là.
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Humour et politique

je le veut
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