Marcher sur les mots
sur leur solitude nue
les plier les replier
pour qu'ils forment
des morceaux de phrases
des vers parcheminés de lettres
suspendus à leur sens multiple,
à l'écritoire infini
de leur secrète incantation
Nuit blanche
La chouette hulule:
Il est plus de minuit.
La solitude troue le silence
de mes nuits bleues
de cendre ou de suie.
Les vibrisses de mon chat
se chevauchent
comme les aiguilles
de l'horloge de minuit.
J'ai à la main
une tasse de tisane refroidie.
De mon autre main
suspendue à la nuit,
je feuillette un livre
de pages grège,
où l'écriture noircie
à la flamme d'or
de mes souvenirs,
de mes rêves enfouis
de somnambule ,
tremble, se rétrécit.
( revue" Le capital des mots")
Nos maux, Nos mots, nos pauvres et riches mots face à la dévastation.
NE PAS OUBLIER !
Il tombe des bombes et des tombes
sur la ville de lumière.
En trombe, il tombe des cartouches
de poudre dans le ciel d’encre noire
sur cette ville fleurie naguère.
Paris pleure toutes ses larmes de pierre.
Et des gouttes de sueur et de sang
ont giclé des corps ensevelis,
rougis au fer pourpre des coups de fusil
et de ma peine, de ma peine infinie.
Paris pleure ses 130 âmes trouées
des balles bleues d’une terrible nuit.
Funambule, percée des billes noires
d’une folle terreur, Paris s’enterre
dans les décombres d’une moite touffeur,
dans l’ombre géante d’une douleur sans prière.
Paris est mort 130 fois
sous les coups de la barbarie,
sous les cendres et le sang de nos frères.
À Paris, ma ville lumière,
130 fois, la grande faucheuse a frappé,
130 fois, l’horreur a giclé
sur le corps de nos frêles fidèles.
Morte notre précieuse infante liberté ?
Mais sur l’odeur encore tiède
de la cendre et des pleurs,
semble renaître en filigrane
un soleil rose en pleine torpeur.
Un espoir, peut-être ?
Sur ce tombeau à ciel ouvert,
l’aube cramoisie se lève à nouveau
et renaît l’espoir d’un jour meilleur,
où l’étoile blonde tremblante
guiderait chacun de nos pas.
Paris, je t’aime et tu vaincras !
Paris 13 novembre 2015
Le grand soir
Je toque à la porte du soir
encore silencieux de cigognes
encore bleu solitaire,
déjà inouï de recueillement,
dans l’entonnoir de notre nuit
qui rugit, qui jouit
de l’hiver encore noir.
Je toque à la porte du soir
déjà vibratile
des noctules bleues
et de notre nuit,
déjà pulsatile du rythme infini
du désert nocturne
et de ses fruits d’or ensevelis :
Croissant lunaire, étoiles
blondes et tremblantes,
bijoux évanescents que je porte
en collier comme une sirène,
une princesse promise
à la suie perpétuelle
qui renaîtrait de ses cendres.
C’était un vin de rosée
avec sa belle lumière d’été
un soleil couchant liquide
écrasé sur la mer,
un vin de nostalgie
qui pansait ma blessure
d’enfant toujours ouverte.
J’ai brisé ma bouteille de vin
et déjà les tessons de verre
colorés d’aube, de soleil rouge
égrènent ma route de pénitente
L’oiseau lyre
J’arpente les sentiers de rocaille,
la tête dans les étoiles et les débris de lune.
Mes oreilles bourdonnent dans l’immensité
des champs de blé et de lavande.
Je foule les orties blessées,
les fétus de paille sèche et d’herbe calcinée.
Un merle bleu me regarde, me tend une aile
et m’exhorte à voler comme une mère
qui prendrait, par la main, son enfant.
Je pleure de joie, de tant de sollicitude.
Cela fait si longtemps que je n’ai reçu
autant de signes de tendresse :
traces infimes, caresses de plumes…
Et cet oiseau m’en offre d’inestimables :
trésors d’aube, présents de l’aurore.
que je thésaurise intacts
dans mon coffre-fort plein de rêves.
Mon cœur s’est perclus un jour de septembre
mais l’oiseau lyre, merle enchanteur, l’a réveillé,
ranimé du désir de vivre parmi les roses rouges,
de fouler, solitaire, le sable bleu
et ma douce, ma très douce folie,
ranimé du désir de fendre la mer blême.
Rouge à lèvres
Lorsque le baiser de la lune
a touché l’inflorescence
de tes lèvres pourpres,
du même rouge
que le baume de l’aurore
dont tu t’es servie, mer,
pour maculer ta bouche
pleine du fiel de ce jour
où tu m’as vu émerger,
algue solitaire, de tes reins ;
Lorsque le baiser de la nuit
a effleuré l’incandescence
de ta braise, comme une cigarette
que tu tiendrais, nuit marine,
dans tes flancs aqueux,
comme un phare à l’horizon
qui clignoterait de plus belle
pour te montrer le chemin
de ma frêle, infime destinée,
pour m’égarer loin de tes flancs
sirupeux et salés,
pour me perdre infiniment ;
Lorsque le baiser de l’aube,
mer, t’a frôlée pour te redonner
ta robe d’apparat
pleine de l’or du soleil
et du rouge du jour naissant,
j’ai vu tes lèvres cruelles
blessées par l’incandescence
du ciel me faire la moue
et me dire de te quitter.
Reine d’automne
Je longe une forêt qui n’en finit pas.
Forêt d’automne, rougie au fer
pourpre de l’aurore, semée
de glands morts, de physalis,
de champignons, de fougères
dont la rouille me souille déjà les doigts.
Je longe la mer couleur d’orange,
lorsqu’en novembre, le soleil
se couche, repu sur son lit d’eau pâle.
Le sable rouge clignote comme
un phare dans sa nuit blême.
La grève que borde la mer
a un parfum de solitude salée
et d’eau tiède presque chaude.
J’y cueille quelques coquillages
trempés de nuit que
l’or du soir échafaude.
Je les porte à ma chevelure
pour en faire
une couronne de lauriers
presque de lauriers roses,
Je les porte sur ma tête,
ces coquilles moirées,
avec des herbes rousses
cueillies tout à l’heure
dans ma rouge forêt
de broussaille et de rouille.
Elle scintille ma couronne
comme un bijou, un collier
de dentelle et de nacre
dans ce soir de poix.
Elle scintille ma couronne
comme un diadème
dans cette nuit de novembre
où je serai sacrée reine
près de mon roi.