« Vers quel avenir va le monde ? Comment finira-t-il ? Pour moi, je
crois que le monde est libre, et finira comme il voudra. […] Il n’y a pas
d’article de foi sur ce point. La seule chose qu’en ait dite le Christ, si
toutefois j’entends bien ses paroles, est une question qu’il a posée sans
la résoudre. “Quand le Fils de l’Homme reviendra, dit-il, pensez-vous
qu’il trouve encore de la foi sur la terre ?” Il semble que, sur ce sujet, le
doute est la vérité même. »
Alphonse Gratry, Logique (1855)
Cité par Guillaume Cuchet "Comment notre monde a cessé d'être chrétien".
Se retremper dans le spectacle de la nature, dans la lumière des arts, dans le commerce des grands esprits, dans les pèlerinages vers les absents, dans les amitiés saintes, dans les ligues sacrées pour le bien, et puis enfin dans quelques jours de sévère solitude, en face de Dieu tout seul, dernier terme du repos de l'année, - qui, de loin, paraît seul austère, mais, de près, est bien doux, - ne serait-ce pas là du repos ?
On parle quelquefois du devoir envers notre corps. Pourquoi non ? Or, le premier devoir envers le corps, c'est, avant tout, le bon choix entre les deux directions morales, bien ou mal, vie ou mort. La santé, la longévité, la beauté, vous les donnez le plus souvent à votre corps par votre choix. La grande majorité des hommes tuent leur corps par le vice. La science a fait l'axiome qu'il faut répéter à chaque page : L'homme ne meurt pas, il se tue. Et quant à la beauté, c'est l'âme qui transfigure le corps et qui lui donne un sens. L'expression de la face de l'homme n'est que la résultante des habitudes. Assistez donc ce pauvre corps, soutenez-le, transfigurez-le, s'il se peut, par la sérénité, la pureté, la paix, par le courage, par l'intelligence, et par la noblesse décidée des désirs, des habitudes et des résolutions.
L'argent, cette idole qu'on ne peut pas servir si l'on sert Dieu, c'est le culte des richesses injustes, le culte des richesses pour jouir, culte qui brise en effet les forces du travail, et qui ruine les nations.
En ce sens donc, l'argent est véritablement le grand et universel sacrement de tous les cultes faux et de toutes les idolâtries. Plus que le Destin, plus que Jupiter, il est maître des dieux et des hommes. Il est évidemment maître de Jupiter, dieu du pouvoir ; de Mars, dieu de la guerre ; de Vénus impudique ou pudique ; de Mercure, dieu des voleurs, des vendeurs, des joueurs, et aussi dieu de l'éloquence, c'est-à-dire de la grande foule de ceux qui écrivent et qui parlent. L'argent est donc la grande idole et le sacrement de tout mal et le grand ennemi de Dieu.
Comprenez bien ceci : les hommes, liés par la tradition du vieux monde, et emportés par la pente du grossier égoïsme, se trompent à peu près tous, presque toujours, comme s'ils n'avaient pas la raison. Il vivent encore pour la plupart, dans une avidité presque animale. C'est là leur chaîne, c'est là le paganisme et l'esclavage toujours vivants.
Il y a, pour l'individu comme pour la société, deux voies, deux buts, deux cultes. Il y a Dieu et il y a l'idole. Et savez-vous, d'après l'Evangile, ce qu'est l'idole ? L'Evangile dit qu'il y a deux maîtres qu'on ne peut servir à la fois; et ces deux maîtres sont Dieu et l'Argent. "Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l'Argent."
Qu'était le dix-septième siècle ? Un docteur en théologie, d'abord ; et en outre, sous le rapport intellectuel, le point le plus lumineux de l'histoire. Le dix-septième siècle, lui seul, est le père des sciences, le créateur de cette grande science moderne dont nous sommes si fiers aujourd'hui. On a, depuis, perfectionné, séduit et appliqué ; mais il a tout créé, et, si l'on ose ainsi parler, tout dans l'ordre scientifique, a été fait par lui, et rien de ce qui a été fait jusqu'à présent n'a été fait sans lui. Il y a eu là comme une inspiration du Verbe pour l'avènement des sciences.