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Citation de coco4649


L’HOMME

À LORD BYRON.


Toi, dont le monde encore ignore le vrai nom,
Esprit mystérieux, mortel, ange, ou démon,
Qui que tu sois, Byron, bon ou fatal génie,
J’aime de tes concerts la sauvage harmonie,
Comme j’aime le bruit de la foudre et des vents
Se mêlant dans l’orage à la voix des torrents !
La nuit est ton séjour, l’horreur est ton domaine :
L’aigle, roi des déserts, dédaigne ainsi la plaine;
Il ne veut, comme toi, que des rocs escarpés
Que l’hiver a blanchis, que la foudre a frappés,
Des rivages couverts des débris du naufrage,
Ou des champs tout noircis des restes du carnage :
Et, tandis que l’oiseau qui chante ses douleurs
Bâtit au bord des eaux son nid parmi les fleurs,
Lui, des sommets d’Athos franchit l’horrible cime,
Suspend aux flancs des monts son aire sur l’abîme,
Et là, seul, entouré de membres palpitants,
De rochers d’un sang noir sans cesse dégouttants,
Trouvant sa volupté dans les cris de sa proie,
Bercé par la tempête, il s’endort dans sa joie.
Et toi, Byron, semblable à ce brigand des airs,
Les cris du désespoir sont tes plus doux concerts.
Le mal est ton autel, et l’homme est ta victime.
Ton œil, comme Satan, a mesuré l’abîme,
Et ton âme, y plongeant loin du jour et de Dieu,
A dit à l’espérance un éternel adieu !
Comme lui, maintenant, régnant dans les ténèbres,
Ton génie invincible éclate en chants funèbres;
Il triomphe, et ta voix, sur un mode infernal,
Chante l’hymne de gloire au sombre Dieu du mal.
Mais que sert de lutter contre sa destinée ?
Elle n’a comme l’œil qu’un étroit horizon.
Ne porte pas plus loin tes yeux ni ta raison :
Hors de là tout nous fuit, tout s’éteint, tout s’efface;
Dans ce cercle borné Dieu t’a marqué ta place.
Comment ? pourquoi ? qui sait ? De ses puissantes mains
Il a laissé tomber le monde et les humains,
Comme il a dans nos champs répandu la poussière,
Ou semé dans les airs la nuit et la lumière;
Il le sait, il suffit : l’univers est à lui,
Et nous n’avons à nous que le jour d’aujourd’hui !
Notre crime est d’être homme et de vouloir connaître :
Ignorer et servir, c’est la loi de notre être.
Byron, ce mot est dur : longtemps j’en ai douté;
Mais pourquoi reculer devant la vérité ?
Ton titre devant Dieu c’est d’être son ouvrage !
De sentir, d’adorer ton divin esclavage;
Dans l’ordre universel, faible atome emporté,
D’unir à tes desseins ta libre volonté,
D’avoir été conçu par son intelligence,
De le glorifier par ta seule existence :
Voilà, voilà ton sort. Ah ! loin de l’accuser,
Baise plutôt le joug que tu voudrais briser;
Descends du rang des dieux qu’usurpait ton audace;
Tout est bien, tout est bon, tout est grand à sa place;
Aux regards de Celui qui fit l’immensité,
L’insecte vaut un monde : ils ont autant coûté !...

p.47-48
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