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Citation de SZRAMOWO


(...) A l’aube du 3 avril 1963, ce fut le départ. Mon père nous embrassa toutes les trois et s’éloigna très vite, retrouvant Artur à quelques mètres de là. Un peu plus loin, ils retrouvèrent trois hommes d’un village voisin et, ensemble, ils partirent pour la grande aventure. Sur leur chemin, d’autres candidats les rejoignirent. Tous avaient rendez-vous avec le passeur.
On était au mois d’avril. Il faisait encore froid et les conditions de passage au travers des montagnes étaient terribles. Chaque jour qui passait apportait son lot de souffrances. Les réserves de nourriture n’étaient pas suffisantes. La pluie, la neige rendaient leur chemin encore plus pénible. Les hommes étaient épuisés. Ils tombaient, avaient peine à se relever. Ils étaient conduits par des passeurs qui, tantôt les faisaient monter dans des camions au milieu des animaux pour les cacher, tantôt les faisaient reprendre le chemin à pied.
C’est ainsi qu’ils franchirent la frontière entre l’Espagne et la France. Ils avançaient la nuit. Le jour, ils se cachaient dans des bergeries. Jamais ils n’ont traversé de villages. Les rivières, les sommets, les pentes se succédaient au fil des heures, au fil des jours. La nuit profonde rendait toute avancée difficile, d’autant que les hommes s’enlisaient dans la neige, s’embourbaient dans les terres moins hautes. Les heures et les jours passaient sans qu’ils sachent où ils étaient. Certains trouvaient le temps long, la fatigue insoutenable et ils demandaient, nerveux :
- Où sommes-nous ?
- Vous n’avez pas besoin de le savoir pour l’instant. L’essentiel pour vous est d’arriver à bon port.
Et ils continuèrent à marcher, à devoir se cacher, toujours dans des endroits abandonnés, sans rencontrer âme qui vive. Ils dormaient à la belle étoile dans un vent glacial ou à l’abri d’une bergerie ou d’une étable. Les passeurs se succédaient, laissant parfois les clandestins livrés à eux-mêmes :
- Surtout, ne bougez pas ! Un de mes collègues passera vous chercher.
Et ils attendaient toute une journée. Il leur arrivait même de rester près de deux jours sans voir personne, installés dans une étable avec un saucisson pour cinq. Pas de pain, pas d’eau et la peur au ventre car ils n’avaient aucune certitude de ce qui allait leur arriver dans les prochaines heures. Les réserves de nourriture s’épuisaient. Ils avalaient de la neige pour se désaltérer. L’un d’eux malade, fut abandonné dans une bergerie avec un autre compagnon, chargés d’attendre un nouveau passeur.
Le froid, la faim, la peur envahissaient les hommes et les passeurs les maltraitaient, les insultaient, les frappaient même. Ils avaient pleins pouvoirs sur ces clandestins qui étaient à leur merci. Pour les passeurs, les clandestins représentaient un moyen de gagner leur vie. Ils ne les considéraient plus comme des hommes, à peine comme des animaux.
Il y avait ceux qui souffraient, ceux qui perdaient espoir et ceux qui commençaient à regretter ce voyage. A l’angoisse de l’heure qui passe, à la peur de ne rien savoir de ce qui allait arriver, s’ajoutait la crainte, au détour d’un chemin, de rencontrer les policiers. Alors, que pouvaient-ils faire ? Renoncer, faire demi-tour et avoir fait tout cela pour rien ? Devraient-ils rentrer au village et rembourser l’argent emprunté ? La meilleure des hypothèses ! Mais il pouvait leur arriver pire encore : être reconduits à la frontière portugaise et remis entre les mains de la police. Là, des heures de torture les attendraient. On voudrait obtenir d’eux des informations pour démanteler les réseaux clandestins de passeurs. Mon père y pensait et redoutait un tel évènement (...)
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