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Citation de JulienDjeuks


(Le cercle du bienfait et de la gratitude, p. 64)
Après un certain temps, il déboucha inopinément sur une crapaudière. Les anoures, qui se rendaient à une foire, sautaient de tous côtés. Découvrant la présence de Bâ Wâm’ndé, ils s’écrièrent :
« Que t’arrive-t-il, homme au mouton ? Où t’en vas-tu comme cela? Est-ce la trame de tes jours qui a touché à sa fin ? Sinon il ne te viendrait jamais à l’idée d’aller à Wéli-wéli, et surtout d’emprunter le chemin qui passe chez nous. Tu vas payer de ta vie ton audace et ton étourderie. »
Une jeune femelle crapaud s’approcha de Bâ Wâm’ndé en sautillant.
« Ne me reconnais-tu pas ? lui dit-elle. Un jour tu m’as fait crédit d’un bienfait. C’est à mon tour de te le payer.
- Je ne me souviens plus de t’avoir rencontrée, fit Bâ Wâm’ndé.
- Il est habituel que l’auteur d’un bienfait oublie sa bonne action et cela est admissible, répliqua la jeune crapaude. Ce qui est condamnable et inqualifiable, c’est que le bénéficiaire de ce bienfait l’oublie. Tel n’est pas mon cas.
« Un jour où la chaleur était écrasante, mourant de soif, je fus mise au supplice. J’aperçus en effet, posé à l’ombre d’un arbre, un canari rempli d’eau fraîche. Pleine d’espoir, je m’en approchai pour m’y désaltérer, mais l’ouverture était trop haute et trop étroite pour moi. Chacun de mes bonds pour l’atteindre se terminait par une glissade. Je dégringolais, roulais et me renversais sur le dos à ne plus voir que le ciel.
« C’est alors que survint un gros gamin, sans doute le fils du propriétaire du canari. Il me trouvait épuisée, gisant à terre, presque morte. Je haletais comme un chien altéré. Le gros gamin se saisit de mes pattes, les attacha avec une corde et serra si fort que mes oreilles en bourdonnèrent. Il souleva la corde à laquelle je me trouvais suspendue la tête en bas, et se mit à courir en me balançant. Et, croyez-moi, ce balancement n’avait rien d’un bercement à faire s’endormir un bébé, c’était plutôt des secousses à faire vomir ses entrailles ! Mon ventre s’emplit d’air à en éclater, mes pieds entravés enflèrent. Le gamin se plaisait fort à me voir dans cet état misérable.
« C’est alors, Bâ Wâm’ndé, que tu intervins et me délivras. Tu me détachas et réprimandas le gamin, lui interdisant de récidiver. Je ne me souviens plus de ce que tu lui as donné pour mon rachat, mais je sais que tu lui as donné quelque chose. Ce que je ne puis oublier, c’est l’action que tu as accomplie en ma faveur et qui m’a empêchée de périr. »
La maman de la jeune crapaude sortit des rangs et, chain-caha, s’approcha de Bâ Wâm’ndé. Elle vomit entre ses pieds une pierre blanche arrondie de la grosseur d’un oiseau mange-mil.
« Ô bienfaiteur des bêtes et des bestioles, compatissant même pour les têtards des eaux fétides et des mares bourbeuses ! Dit-elle. Les animaux terrestres et aquatiques, les bêtes des cités et des forêts te sont reconnaissants et tous les oiseaux des champs gazouillent tes louanges dans les branches des arbres de la haute brousse !
« Ôbâ Wâm’ndé ! Prends cette pierre et range-là dans ton sac, elle te servira à quelque chose dans un jour difficile vers lequel tu t’avances sans t’en douter, car aller à Wéli-wéli, c’est aller à la mort ! »
Bâ Wâm’ndé rangea la pierre dans son sac.
« L’adage veut, dit-il, que celui qui est reconnaissant est autant de mérite, sinon davantage, que celui qui a fait le bien, car l’ingratitude est le propre de l’homme.
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