Anaëlle Lebovits-Quenehen

« Il est toujours possible d’unir les uns aux autres par les liens de l’amour une plus grande masse d’hommes, à la seule condition qu’il en reste d’autres en dehors d’elle pour recevoir les coups. »

(Sigmund Freud)





Dans notre monde de rentabilité, la psychanalyse reste une boussole et entendre ce que dit la psychanalyste Anaëlle Lebovits-Quenehen reste éclairant, mais aussi perturbant, agaçant.

C’EST QUOI LE HAINE

Les temps sont durs ? Ce sera enfin l’occasion de faire savoir à la belle-fille atypique de quel bois on se chauffe.

Le ressort intime de la haine c’est, en partie, la haine de soi. « La personne haïe porte en lui ce qu’un sujet hait de lui-même sans pouvoir le reconnaître comme sien. »

Mais c’est d’abord la haine de l’altérité qui est en nous.

Cette altérité intime s'exprime rarement comme telle. Elle se traduit plutôt par le sentiment d'être en décalage avec les autres, d’une disharmonie. Pour y faire face, on dirige notre haine vers une cible qui s'y prête. « Puisqu'on ne veut rien savoir de notre propre altérité, c'est dans le rejet de l'autre qu'on va traiter le rejet de notre propre altérité."

Les cibles récurrentes de la haine sont les minorités. Ce qui caractérise la minorité, c'est justement qu'elle est minoritaire, hors de la norme. En fait, si le haineux ne veut rien savoir de l'altérité qui l'habite, il rêve d'un monde aussi lisse, aussi homogène que l'intériorité dont il rêve d'être habité. D’où l’affinité que la haine entretien avec des ensembles homogènes cf. la nation pure.

Vouloir le bien de l’autre n’est jamais que vouloir l’autre à son image.

Cette haine de l’altérité peut se manifester dans certaines circonstances : puberté, première rencontre charnelle avec le corps d’un autre, perte d’un être cher, « toute conjoncture d’un choix forcé devant lequel il est impossible de se dérober et qui implique une perte radicale »

Trois possibilités s’offrent alors à nous :

Essayer de se dérober et c’est la dépression

La haine, de soi ou de l’autre

Faire une place à l’altérité qui est en nous.

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La haine trouve son expression la plus pure dans le sexisme et l’antisémitisme.

---- Haine des juifs, athées ou non car, minoritaires, ils peuvent faire le choix de rester ou non juifs, de rester minoritaires, attestant que la peur et l’angoisse ne sont pas des mobiles suffisants pour s’assimiler absolument. Ils attestent ainsi qu’ils ne font pas du seul fait d’être aimés le principe de toute action.

----La haine des femmes est liée au fait qu’elles ont, plus que d’autres, le sentiment et le gout de leur altérité. Elles sont plus que les hommes disposées à déjouer la logique des ensembles fermés.

Mais, ni les juifs, ni les femmes ne sont exemptés, ne sont pas prémunis de la haine contre les juifs et les femmes.

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La haine, aussi vieille que le Monde, doit son accélération actuelle a des effets secondaires du discours de la science et du discours capitaliste. L’action de ces deux discours produit un certain nombre de paradoxes.

Quand l’égalité des hommes, démontrée par la science et élevée à la dignité de l’idéal démocratique verse dans l’égalitarisme, quand les ravages du capitalisme augmentent du fait de la caution que lui apporte une certaine Science (celle qui rejette l’altérité). Cela produit une chute des frontières, une désagrégation du monde et un effet retour qui entraine la chute des semblants incarnant l’autorité, l’accroissement des expulsions ségrégatives, la multiplicité des communautés.

Dans le cas de la Shoah, les témoins directs, qui servaient de rappels de l'Histoire de par leur seule présence, ont disparu. Ils ne sont plus une digue capable de nous prémunir du retour des discours haineux."

« La percée de l’extrême droite atteste du retour féroce des figures d’autorité »

« Toute la politique repose sur ceci, que tout le monde est trop content d’avoir quelqu’un qui dit : en avant marche, vers n’importe où, d’ailleurs ».



----L’antidote : la singularité et faire une place à l’altérité qui est en nous.

Par la tolérance. Mais celle-ci doit avoir ses limites qu’il faut savoir imposer, y compris avec violence « on ne fait pas reculer la haine avec des bons sentiments ». Mais une violence sans haine, sans viser la destruction de l’autre.



Une Psychanalyste sans jargon.

A méditer.