André Boris

Chez moi, le bien-être se compte en milliers de calories. Si j'étais tout le temps heureuse, je pèserais plus d'une tonne.

Lorsqu'on aime vraiment, on n'a besoin que d'un minimum de posture. Du coup, on vit plutôt relâché et l'on se contente de petits mots simples, voire simplets, qui n'ont aucun objectif de déstabilisation.

Les romanciers étaient aussi, à leur manière, des poètes et c'est en cela qu'ils étaient et seront à jamais supérieurs. Ils transcrivaient les sensations, comme personne.

Reconnaît-on la qualité d'un homme séduisant au fait qu'il résiste à la tentation ou bien qu'il y cède ?

Partager tous tes sentiments,Ne voir que par tes yeux,N’agir que sous ton consentement,Ne vivre que pour toi,Voilà mes vœux, mes projets,Et le seul destin qui peut me rendreHeureux.

Elle butina de l’un à l’autre et paraissait assez satisfaite de l’effet qu’elle produisait. On cherchait à se l’accaparer et c’était une jouissance pour elle que d’en avoir conscience à chaque étape. Une sensation d’euphorie la traversa, elle en avait déjà oublié Guillaume, et cet excédent de bien-être perdura jusqu’à ce que ses yeux croisassent furtivement la silhouette longiligne d’un jeune homme.Son physique ambigu, le physique qu’elle préférait par-dessus tout chez les hommes, l’avait saisie en plein élan folâtre et elle redoubla de grâce dans l’espoir d’attirer l’attention de cet ange de la nuit.

Paul se débarrassa de son pardessus militaire puis consentit à s'asseoir.
— Ambre a un net penchant pour les bruns ténébreux.
— Alors pourquoi s'est-elle un jour mariée avec toi ?
— Elle sait parfois se montrer fantaisiste... ou très impulsive.
— C'est très femme Lion tout ça, lâcha Paul un peu fort.
— Comment ? fit Marc, incrédule.
— Je disais que sur ce coup, elle était parfaitement représentative de son signe astrologique, reprit le journaliste qui n'avait plus d'autre choix que d'avouer l'inavouable.
— Ne me dis pas que tu crois à toutes ces bêtises !
— Je n'ai jamais osé t'en parler. Je ne voulais pas briser une amitié pour si peu, se justifia-t-il avec dérision. Rassure-toi, je ne prends jamais rien au pied de la lettre. Mais si la dernière fois qu'on s'est vu, je t'ai demandé sa date de naissance, c'était pour établir un premier profil psychologique. Avec le temps, je me suis aperçu que les gens correspondaient assez bien à cette grille de lecture et je ne me suis jamais gêné pour m'appuyer dessus lors de mes interviews, ou mes enquêtes.
— Je te pensais plus sérieux que ça, titilla gentiment Marc.
— On a beau faire, on ne connaît pas vraiment ses amis. La preuve, je n'aurais jamais pu imaginer qu'un homme aussi moral que toi se laisse tenter par de telles manigances, rétorqua Paul, sur le même ton.

Vous ne croyez tout de même pas à ces bêtises ?

On a beau faire, on ne connaît pas vraiment ses amis.

Non décidement, la meurtrissure de son coeur n'avait d'égale que celle de son orgueil. Si elle avait décliné une toute autre identité zodiacale, si, dans cette situation préçise, elle avait détenu les qualité de la femme Gémeaux , Verseau, voire Poisson, alors elle aurait sans doute pu appeler le jeune homme et lui demander des explications.

- Il ne travaille pas?
- Si, au Pôle emploi.
- Au Pôle emploi! s'écria-t-elle, à la fois stupéfaite et légèrement rebutée. Tu m'avais habituée à des fréquentations plus glamour!
- Il n'a pas la chance de posséder ma fortune, fit remarquer Joseph. Autrement, il suivrait mon exemple et ne ferait absolument rien. A part exercer le métier de vivre.

Ce qu’elle avait tant recherché par les mots, elle l’obtint par ses talents improvisés de cascadeuse et ses nouvelles « amies » étaient cette fois-ci parties d’un rire franc et inextinguible. Elles ne l’étouffèrent qu’une fois rappelées à la décence par les plaintes contenues de l’éditrice qui tardait à se relever et dont l’état semblait présenter plus de signes alarmants que prévu.

S’il existe un corps de métier où le sens de la hiérarchie est considéré comme une valeur absolue, infrangible, qu’aucun membre actif ne s’aventurerait, même dans ses rêves les plus pieux, à contester, c’est sans aucun doute celui de la mode.Il y règne là plus qu’ailleurs (excluons l’armée et la religion, constituées à l’écart de la vie civile) une obséquiosité maladive et inattendue à l’égard de celui ou celle incarnant l’échelon supérieur. Sous des dehors excentriques, baroques, délurés, ce milieu ne concentre au demeurant qu’une pléthore de sujets orthodoxes, passionnés comme jamais par une forme « glamour » de servitude.

Il paraîtrait que la dispersion nuit à la carrière. Du coup, je me suis marié à vingt ans, avec celle que je connaissais depuis mon adolescence, et me suis retrouvé papa deux ans après. » Il continua de s’épancher sur le sujet, qui lui tenait visiblement à cœur, et indiqua à l’éditrice que cette expérience malheureuse
n'avait en aucun cas étanché sa soif de couple et de famille. Bien au contraire. Peut-être par refus de la défaite qu’il avait toujours eue en horreur, il rêvait de fonder un foyer harmonieux, équilibré, se sentant désormais prêt pour tout assumer. Cette information ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde.

À ses yeux, cette exquise créature ne faisait qu’user d’un stratagème amoureux destiné à l’exciter davantage. De toute façon, lui l’instinctif, le fougueux, l’entêté, s’était, depuis maintenant une bonne heure, lancé dans la bataille avec la ferme intention de parvenir à ses fins. Victoire allait bientôt succomber à ses charmes ; de cela, il était persuadé.

On C’est à cause de préjugés comme les vôtres que j’ai effectué un séjour prolongé en hôpital psychiatrique et que j’ai failli me suicider à plusieurs reprises. Qu’est-ce que vous croyez ? Que l’habit fait le moine ? Votre façon de voir les choses est criminelle. Je ne sais pas du tout ce que vous éditez et je m’en contrefiche. Mais j’espère pour vous que vos auteurs n’ont pas droit à des remarques aussi débiles. « On ne vous a jamais dit vous n’aviez pas du tout le physique de l’emploi », conclut-il en la parodiant à l’excès. Il se détourna aussitôt et, avant de se murer dans un complet silence, il extirpa de la poche avant de son jean un pilulier, l’ouvrit et s’empara d’un médicament qu’il porta à sa bouche d’un geste épileptique.À choisir, Victoire Meursot eût préféré recevoir un coup de poing en pleine figure plutôt que d’entendre ces propos empreints d’agressivité. S’il y avait une chose qui, par-dessus tout, la mettait mal à l’aise, c’était bien la violence verbale. Quelle qu’elle soit. En général, elle ne supportait pas les disputes, les prises de position radicales ou sectaires, les jugements à l’emporte-pièce, tous ces emballements requérant l’utilisation d’un vocabulaire à l’implacable et anguleuse dureté. Elle surfait d’instinct sur les lames de l’entregent et de la conciliation et se raidissait sur-le-champ dès qu’un mot était prononcé plus haut que l’autre.Ainsi, elle effectua le reste du trajet recroquevillée dans le cachemire de son pull de marque et n’osa pas bouger.

Elle sentit monter en elle une bouffée de bien-être et ses traits relâchés se parèrent d’une expression de douce béatitude. Elle souriait au vide et perdit toute notion d’espace et de temps.

Son existence de femme coquette ainsi justifiée, elle préféra en demeurer là malgré l’indéniable prestance de ce soupirant express. Il ne lui restait plus qu’à se fendre d’une excuse élégante. Et à poursuivre sa route en ayant eu la sensation d’avoir passé une excellente soirée. Elle choisit l’option convenue du mensonge. 

On ne réduit pas un être à son signe. En tout cas, je te remercie de m’avoir cataloguée comme nymphomane.

Reconnaît-on la qualité d’un homme séduisant au fait qu’il résiste à la tentation ou bien qu’il y cède ?