"Ma mère est à elle seule l'Algérie de mon enfance, une terre de lumière et de sang, aux sables roux, ocres, d'un brun luisant au bord de l'eau que les étoiles filantes éclaboussent de leurs lueurs. Il ne sert à rien de demander ce qui lui reste de ce pays, elle est ce pays. Mais moi, je peux me poser la question : que me reste-t-il de l'Algérie ? Ce reste m'empêche-t-il de m'ouvrir complètement au monde qui m'entoure ?
À vingt ans, j'ai voulu quitter tout ça, ne pas revenir en arrière. "C'est contre la nostalgie que je grandis", ai-je écrit un jour. Et me voilà repris par cette terre. Me voilà repris pas ma mère. Je ne veux plus m'éloigner d'elle, maintenant que je l'ai retrouvée.
"Je ne veux pas aimer ma mère", avais-je pensé.
"Je ne veux pas aimer cette terre" aurait été plus juste. Mais l'amour est là et m'enveloppe.
Tam-tam d'une nuit lointaine.
Battements à l'intérieur de chaque mot.
Toute vie même en délitement est source de créativité". Pages 148-149
J’aime l’odeur des ports, la mer qui se gave de mazout le long des quais, les embruns les jours de grand vent et le vide du large qui renouvelle sans cesse les senteurs de la ville. J’ai connu Marseille, Calais, Amsterdam, Hambourg, Göteborg, Helsinki. Le port, c’est aussi l’enfance à Oran seul avec mon père qui m’emmenait admirer les paquebots à quai. Des murs d’acier vertigineux. Des murs vivants. Ça bougeait et ça criait de partout. Je tremblais à chaque coup de sirène.
Son savoir vient de la terre, des apprentissages de la rue et du ventre des maisons… Elle aime le violon que l’on pose sur la cuisse, la derbouka, les chansons populaires en arabe, la chaleur étouffante du vent d’est qui vous confine à l’intérieur des maisons le jour et qui, le soir, vous invite à venir goûter l’air frais sur les trottoirs.
Ma mère a le don des femmes vêtues de sable rouge.