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Critiques de André Hamel (3)
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Mourir d'oubli

Un kaléidoscope.

André Hamel ne passe pas son époque sous la loupe mais dans son kaléidoscope.

Pour les autres je ne sais pas, mais pour ceux qui ont joué un rôle dans ce film, dans ce coin de Grand'Mère (avec une apostrophe), pour ceux-là c'est comme si le texte était écrit en HTML. Avec des liens à l'infini, presque à chaque nom, à chaque mot. Des liens qui nous transportent chacun vers notre propre histoire. On clique sur un mot et c'est parti, on se perd dans nos propres souvenirs. On s'enfonce, on tente de revenir, on n'y parvient pas, on doit relire la phrase, on doit relire presque toutes les phrases. Pour moi, la machine à voyager dans le temps s'est même mise en route avant le début de l'histoire. J'ai accroché à « Yvon Rivard ». Puis à mademoiselle Maltais, ma tante Georgette. Puis à Roy et Nicole, le parc de l'église Saint-Paul et la machine s'est emballée, incontrôlable, démoniaque. Mes propres histoires veulent à tout prix prendre leurs places aux côtés de celles du livre. Impuissants, il vaut mieux laisser André le kaléidoscope Hamel poursuivre son oeuvre.


Mais qu'est-ce qu'elle a cette époque, qu'est-ce qu'elle a cette ville, qu'est-ce qu'il a ce coin de rue, qu'est-ce qu'ils ont ces personnages pour nous avoir touchés autant ?


Lien : https://www.flickr.com/photo..
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Mourir d'oubli

Quand on tombe par hasard sur un roman « cicéronien » comme Mourir d’oubli, il est difficile de ne pas buter sur les choix stylistiques qui font en sorte que les adjectifs, les verbes et les sujets apparaissent le plus souvent en groupe de deux. C’est ce dont témoigne de manière exemplaire le début du roman, dans un passage où un vieil homme de la ville Grand-Mère (épelée « Grand’mère » dans l’ensemble du roman) s’échoue en kayak sur une île vers cinq heures du soir afin de se remémorer l’histoire de sa famille.





"À l’odeur de camphre du bois-sent-bon et à celle sèche et froide des résineux de l’île, se mêle l’esprit moite et chaud des écorces en décomposition accumulées au fond de la rivière et sur les berges. Ce sont les relents d’un siècle et demi de flottage. S’infiltre dans l’air et le temps, et lentement presque toute la place le souvenir de la puanteur causistique des vapeurs d’anhydride sulfureux qui s’échappaient naguère du digesteur dans lequel marinaient les pitounes au moulin à papier." (p. 11)





Cependant, au fil de la lecture, on comprend que ces choix stylistiques, beaucoup trop marqués pour ne pas avoir fait l’objet d’un choix réfléchi, sont cohérents avec l’ensemble du projet, lequel évoque l’univers disparu de plusieurs générations d’une famille dominée par la figure, mi-fières, mi-comiques, des demoiselles Lupien. Aussi, la logorrhée du narrateur ne vise-t-elle pas tant à commémorer les figures disparues de son passé, qu’à évoquer — de manière souvent poétique — un état d’âme fugitif, qu’aucune description ne parvient véritablement à saisir. C’est ce qui explique sans doute le surenchérissement de mots auquel il a recours pour ancrer son récit dans un cadre spatio-temporel qui devient de plus en plus flou à mesure qu’il tente de le saisir : ainsi le souvenir de la puanteur de la ville de Grand-mère s’infiltre-t-il, non seulement dans l’air, mais bien dans l’air et le temps, tout comme l’odeur des résineux est sèche et froide, ou bien l’esprit des écorces en décomposition est à la fois moite et chaud.





Cela n’implique pas toutefois que le roman s’avère être dénué d’une intrigue. Né au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, le narrateur Albert Allibert a été témoin des transformations économiques et sociales au fil desquelles s’est construit le Québec moderne. Son récit est ponctué de formules visant à souligner le sentiment d’urgence qui l’habite face à la disparition de ce monde dont il est le seul à avoir conservé quelque souvenir. Il ne cesse pourtant de s’excuser de la maladresse avec laquelle il ressuscite les morts, dans un geste d’humilité qui le rapproche, à vrai dire, davantage des Vies minuscules de Pierre Michon que du protagoniste de la Recherche du temps perdu, même s’il lui arrive de citer son incipit en faisant dire à son narrateur : « Longtemps, au temps où je me couchais de bonne heure» (p. 278) :





"Je veux toujours tout raconter, et tout en même temps, mais jamais je ne trouve les mots pour le dire, pour tout dire, les mots, ces morts qui nous ont tout appris, nous ont faits et ont fait le monde et dont nous ne sommes que les porte-parole impuissants, ces morts et ces mots dont nous sommes les personnages." (p. 261)





Pour reprendre une autre formule également célèbre, je crois qu’il faut rendre à César ce qui est à César et saluer le courage qu’il a fallu pour écrire et publier un roman qui sort effectivement des créneaux esthétiques communément répandus. Il s’agit ici d’une œuvre singulière, dont la temporalité ne correspond pas au rythme de vie des jeunes professionnel·le·s recourant à un calendrier électronique afin d’organiser toutes les activités planifiées dans le mois. Pour mieux savourer le récit de Hamel, sans doute faut-il le lire plus lentement.





Si je m'appliquais à relire cette œuvre aujourd'hui, presque quatre ans après que j'ai fait paraître cette recension dans le webzine de critique littéraire La Recrue du mois, j'aurais sans doute un regard différent sur la manière assez particulière dont ce primo-romancier est parvenu à capturer le passage très lent du temps à l'époque où il situe les souvenirs intimistes dont il fait part dans cette œuvre. Ces temps-ci, avec l'accumulation en cascade de nouvelles alarmistes qui étourdit tout le monde depuis le déclenchement de la pandémie de coronavirus il y a un peu plus d'un an, mes activités se sont considérablement réduites, et je retrouve dans mon quotidien des distractions semblables à celles qu'évoque André Hamel, où, pour se distraire, son narrateur compte surtout sur les joies du plein air et la tranquillité d'une promenade du dimanche.





Ça ne signifie pas pour autant que j'entretiens désormais une perception analogue du passage du temps à celle de ce personnage d'une autre époque. Entre nous, il y a bien entendu la sphère infinie du web, dont les ramifications de plus en plus multiples forment pour ainsi dire des trous noirs dans mon quotidien. À une époque où la lecture compulsive de fils de discussions sur Facebook remplace les conversations entendues dans des cafés, dans le hall d'entrée de la bibliothèque, ou dans des bars où, comme tout le monde, j'aimerais tant pouvoir encore sortir pour échapper à la monotonie d'une année passée devant mon écran, le temps file à une vitesse encore plus grande qu'auparavant. Les journées passent, longues et rapides, et je ne sais pas où disparaît mon temps libre, si bien que je ne saurais dire si je me trouve dans un état d'esprit plus près de celui du narrateur de Mourir d'oubli, ou au contraire plus loin de son expérience de vie. Ce qui est sûr, c'est que le roman d'Hamel représente une fenêtre ouverte sur un autre temps, et une remontée dans l'Histoire résolument dépaysante.



Lien vers l’article d’origine : HAMEL, André. Mourir d’oubli. Chroniques de la Grand’rue et des alentours, Montréal, Leméac, 2017. La Recrue du mois, 15 décembre 2017, https://medium.com/larecrue/mourir-doubli-chroniques-de-la-grand-rue-et-des-alentours-par-andré-hamel-dc3d80e7ae79
Lien : https://mirunatarcau.wixsite..
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Mourir d'oubli

L’écriture d’André Hamel est posée, riche, en spirale, alors que le récit est tissé de boucles et de répétitions, d’errance contrôlée.
Lien : http://www.ledevoir.com/cult..
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