L’hermétisme exprime à son tour cette dualité de condition chez le contemplatif, et il l’exalte comme un des plus grands privilèges de l’homme (C.H. X, 24-25) :
« L’homme est un vivant divin, quoi doit être comparé non pas au reste des vivants terrestres, mais à ceux d’en-haut, dans le ciel, qu’on nomme dieux. Ou plutôt, s’il faut oser dire la vérité, c’est encore au-dessus des dieux qu’est établi l’homme réellement homme ou, du moins, il y a entre eux une complète égalité de pouvoir. En effet, aucun des dieux célestes ne quittera la frontière du ciel et ne descendra sur terre : l’homme au contraire s’élève même jusqu’au ciel, et il le mesure, et il sait ce qui dans le ciel est en haut, ce qui est en bas, et il apprend tout le reste avec exactitude, et, merveille suprême, il n’a même pas besoin de quitter la terre pour s’établir en-haut, si loin s’étend son pouvoir ! »
Et ailleurs (C.H. XI, 19) :
« Commande à ton âme de se rendre dans l’Inde, et voilà que, plus rapidement que ton ordre, elle y sera. Commande*lui de passer ensuite à l’océan, et voilà que, de nouveau, elle y sera aussitôt, non pour avoir voyagé d’un lieu à un autre, mais comme si elle y était déjà. Commande-lui-même de s’envoler vers le ciel, elle n’aura pas besoin d’ailes : rien ne peut lui faire obstacle, ni le feu du soleil, ni l’éther, ni la révolution du ciel, ni les corps des autres astres ; mais, coupant au travers tous les espaces, elle montera dans son vol jusqu’au dernier corps céleste. »
C’est une expérience familière à l’hermétiste que de se sentir à la fois en lui-même et partout (C.H. XI, 20) :
« Ayant mis dans ta pensée qu’il n’est pour toi rien d’impossible, estime-toi immortel et capable de tout comprendre… Monte plus haut que toute hauteur, descends plus bas que toute profondeur. Rassemble en toi-même les sensations de tout le créé, du feu et de l’eau, du sec et de l’humide, imaginant que tu es à la fois partout, sur terre, dans la mer, au ciel, que tu n’es pas né encore, que tu es par-delà mort. »
Qu’il s’agisse bien là d’une expérience mystique, c’est ce qu’atteste le traité XIII, dont tout l’objet est de décrire l’initiation spirituelle grâce à laquelle le disciple parviendra aux plus hauts degrés de la gnose. Or, une fois « régénéré », voici comment s’exprime le néophyte (XIII, 11) :
« Devenu inébranlable de par Dieu, ô père, je me représente les choses, non par la vue des yeux, mais par l’énergie spirituelle que je tiens des Puissances. Je suis dans le ciel, dans la terre, dans l’eau ; je suis dans l’air, dans les animaux, dans les plantes ; dans le ventre, avant le ventre, après le ventre, partout. » (pp. 316-317)