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Citation de enkidu_


– Il vous sied bien de critiquer la polygamie, Padre, dit le docteur, relisez votre Bible. Que dites-vous du vénérable Laban qui, ayant vendu à un même homme ses deux filles payables par mensualités pendant quatorze ans, donna par surcroît les deux femmes de chambre comme prime à l'acheteur ?

– Mais, dit le Padre, je ne suis pas responsable des actions d'un patriarche douteux; je n'ai aucune sympathie pour ce Laban.

– Moi non plus, dit Aurelle, ce Dufayel du mariage m'a toujours inspiré un profond dégoût, mais c'est plutôt à cause de ses méthodes matrimoniales que pour avoir accepté la polygamie naturelle à sa tribu. D'ailleurs la question du nombre de femmes à attribuer à un même homme est-elle une question morale ? Il me semble que c'est une question d'arithmétique. S'il y a à peu près autant de femmes que d'hommes, la monogamie s'impose; si, pour quelque raison, le nombre des femmes vient à l'emporter, la polygamie vaut peut-être mieux pour le bonheur général.

Les deux jeunes filles, qui comprenaient moins bien cette conversation que les « promenade » et les « na poo » des tommies, se rapprochèrent du colonel, qui leur adressa des grognements paternels et sortit pour elles le disque Caruso de sa chemise rouge incarnat.

– Vous avez des idées très fausses sur la psychologie animale, Aurelle, dit le docteur. Si vous aviez observé la nature, vous auriez, au contraire, constaté que la question du nombre des compagnes n'est nullement une question d'arithmétique. Chez les cousins, il naît dix femelles pour un mâle. Or, les cousins ne sont pas polygames : neuf de ces femelles meurent vierges. Ce sont même ces vieilles filles seules qui nous piquent, par où l'on voit que le célibat engendre la férocité chez les insectes comme chez les femmes.

– J'ai connu des vieilles filles charmantes, dit Aurelle.

– Qu'en savez-vous? dit le docteur. Mais quoi qu'il en soit, le nombre des épouses varie simplement comme le mode d'alimentation de l'espèce. Les lapins, les Turcs, les moutons, les artistes, et d'une façon générale tous les herbivores sont polygames; les renards, les Anglais, les loups, les banquiers, et d'une façon générale tous les carnivores sont monogames. Cela tient à la difficulté que trouve le carnivore à élever ses petits tant qu'ils ne sont pas assez forts pour tuer eux-mêmes une proie. Quant à la polyandrie, elle s'établit dans des pays misérables comme le Thibet, où plusieurs hommes doivent unir leurs forces pour nourrir une femme et sa progéniture.
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