En 1619, il venait de terminer son septième cahier de madrigaux, comprenant vingt-neuf pièces d’une à six voix. Il dédia ce cahier à la jeune Catherine, duchesse de Mantoue, qui avait épousé deux ans plus tôt un ancien cardinal sorti des ordres, Ferdinando Gonzaga : « Dame sérénissime et maîtresse honorée, je vous présente mon nouveau recueil de madrigaux qui seront avant tout le témoignage public et authentique de mon attachement dévot à la noble mai- son des Gonzague que j’ai servie avec fidélité pendant tant d’années. » La jeune duchesse Catherine fut certainement troublée par le dix-neuvième madrigal : Me voici prêt pour les baisers : embrasse-moi ; mais baiser de telle manière qu’aucune trace de dents mordantes ne laisse une cicatrice pour marquer mon visage ; pour que d’autres ne la pointent pas du doigt et y lisent ma honte et tes baisers.
Je vis dans la nuée un clairon monstrueux. Et ce clairon semblait, au seuil profond des cieux, Calme, attendre le souffle immense de l’archange. Ce qui jamais ne meurt, ce qui jamais ne change, L’entourait. À travers un frisson, on sentait Que ce buccin fatal, qui rêve et qui se tait, Quelque part, dans l’endroit où l’on crée, où l’on sème, Avait été forgé par quelqu’un de suprême Avec de l’équité condensée en airain… … L’œil dans l’obscurité ne voyait clairement Que les cinq doigts béants de cette main terrible ; Tant l’être, quel qu’il fût, debout dans l’ombre horrible, – Sans doute quelque archange ou quelque séraphin Immobile, attendant le signe de la fin, – Plongeait profondément, sous les ténébreux voiles, Du pied dans les enfers, du front dans les étoiles !