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Citation de missmolko1


Il avait trouvé la jeune femme devant sa porte le jour de Noël 1943. Comme le petit chat qui s’était réfugié sur le seuil quelques années auparavant. Au début, il n’avait pas prêté attention au chaton. Il allait sûrement repartir. Mais contre toute attente, il était resté, et la neige elle-même n’avait pu le chasser, que le ciel hivernal d’un blanc laiteux déversait pourtant, après les premiers flocons épars, en un flot qui n’avait cessé de s’intensifier. Le chaton s’était recroquevillé dans l’encadrement de la porte, devenant presque invisible : on ne distinguait plus qu’une petite boule blanche blottie dans un coin.
Le chat lui avait fait pitié, il n’avait pas eu le cœur de le chasser. Il avait ouvert la porte, l’avait laissé entrer, l’avait nourri, lui avait permis de rester.
La jeune femme, elle, il l’avait vue venir de loin, en faisant rentrer le chien. Il avait d’abord cru que c’était une de ces troqueuses de la ville, que la misère poussait vers les campagnes en ce cinquième hiver de la guerre.
Mais ces gens-là étaient d’ordinaire lourdement chargés, leurs sacs à dos débordant de tous les biens dont ils pouvaient se résoudre à se séparer. Ils échangeaient
la montre en or du grand-père, la broche de la grand-mère ou un tableau de famille contre trois œufs, un morceau de beurre, un peu de lait ou de jambon. Ses voisins n’étaient pas les derniers à jouer au jeu du troc, ces derniers temps. Lui avait mal au cœur quand il les voyait arriver. Parfois, il leur donnait un œuf ou une pomme sans rien prendre en échange. Il avait suffisamment à manger, la guerre n’était pas encore arrivée jusqu’à lui, et puis à son âge, il était plus vite rassasié.
La jeune femme ne portait qu’un baluchon sur l’épaule et une petite valise à la main.
Elle était arrivée à hauteur de la maison tandis qu’il se dirigeait vers la grange. Elle lui avait demandé si elle pouvait se reposer un instant sur le banc. Ça ne le dérangeait pas. Un peu plus tard, alors que la nuit commençait à tomber, il était ressorti chercher quelques bûches, et elle était toujours là. Elle semblait frigorifiée.
— Il gèle. Tu veux entrer ?
— Je peux ?
Il avait hoché la tête.
Il lui avait approché une chaise du poêle pour qu’elle puisse se réchauffer. Elle avait posé son baluchon et sa petite valise à côté d’elle, s’était assise et avait frotté ses mains glacées. Il n’avait pas fait spécialement attention à elle, avait préparé la soupe sans un mot, avant de poser la gamelle sur la table et de lui faire signe d’approcher. Il lui avait donné une cuillère et un quignon de pain.
— Mange.
Ils avaient partagé la soupe à même la gamelle posée au milieu de la table. Elle engloutissait avidement chaque cuillerée.
— Qu’est-ce que tu viens faire par ici ?
— Je cherche un gagne-pain.
— Si tu veux, tu peux rester ici le temps de chercher. J’ai pas vraiment de quoi te payer, mais tu seras nourrie et logée.
Elle était restée. Il lui avait donné la petite chambre de l’ancien valet de ferme.
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