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Citation de jmlire92


À la fonte des neiges, l'eau vint jusqu'au perron de leur maison et ils rirent quand Volski, sans descendre les marches, lança dans le flux lent un bout de filet qu'il avait trouvé au grenier. L'air sentait l'écorce humide des aulnes, la tiédeur des murs en bois chauffés par le soleil. Installés sur le perron, ils regardaient le ciel pâlir lentement dans le reflet de la rivière et, de temps en temps, remarquaient la danse des flotteurs au-dessus du filet. Au loin, par-delà les eaux, se dessinait l'autre rive, des fines silhouettes d'arbres qui veillaient désormais sur les tombes.

Tout était là dans un seul regard. Cette berge où ils avaient vu tant d'hommes mourir. et la rivière, à présent lente et large comme un lac et dont la glace était alors rayée par le sang d'un blessé qui rampait vers les chanteurs. Et leurs voix mêlés aux cris et aux explosions. Ce passé était encore si proche de ce perron en bois où était assise une femme qui jetait des brindilles dans l'eau dorée par le couchant...

"À quoi bon alors tout cela ? " pensa Volski et il revit, dans sa mémoire, ces hommes qui s'affairaient autour d'un canon. Là, sur cette même berge. Des hommes qui tuaient ou bien, étaient tués. À quoi bon ?

" La défense du pays, la victoire...", les paroles clamèrent en lui leur dure justesse. Toutes ces morts étaient nécessaires. Et souvent héroïques.

"Oui, utiles, mais seulement parce que les gens ne connaissent pas ce bonheur là ", se dit-il et il sentit de nouveau approcher une vérité qui embrassait tous les hommes et tous les destins. Le bonheur de voir ces brindilles s'en aller dans le courant éclairé d'un soleil bas. De voir cette femme se lever, aller dans la maison. Le bonheur de voir son visage dans une fenêtre, au-dessus des eaux. Son sourire, le reflet de sa robe dans une vitre.

Ce bonheur rendait dérisoire le désir des hommes de dominer, de tuer, de posséder, pensa Volski. Car ni Mila, ni lui-même ne possédaient rien. Leur joie était faite de choses qu'on ne possède pas, de ce que les autres avaient abandonné ou dédaigné. Mais surtout, ce couchant, cette odeur d'écorce tiède, ces nuages au-dessus des jeunes arbres du cimetière, cela appartenait à tout le monde !

Le filet de pêcheur qu'il se mit à retirer sur le perron sortait vide. De temps en temps, au milieu des mailles qui glissaient sur l'eau, brillait l'or mat de la lune..."
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