Il avait perdu la force et le désir de se débarrasser de cette femme. Il n'existait pas en lui une once d'amour, ni le moindre attachement pour elle ; ni non plus, malgré cela, l'énergie de l'abandonner : l'espoir du lendemain avait quitté sa vie. Quand bien même il se déferait de la femme, où, en quel lieu trouverait-il, demain, un quelconque espoir ? Sur quoi s'appuierait-il pour vivre ? Aurait-il seulement un toit pour s'abriter, un trou pour dormir ? L'armée américaine allait débarquer et toutes les formes d'anéantissement possibles et imaginables seraient consommées sur cette terre ; l'immense amour de destruction de cette guerre trancherait tout. Il n'était plus nécessaire de penser.
Extrait de "L'idiote"