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Citation de LadyDoubleH


Quant aux meurtres, c’était la routine, à savoir qu’il n’y avait pas lieu de se répandre en invectives, non parce qu’ils étaient insignifiants mais bien parce qu’ils étaient si énormes et si nombreux que rapidement, on n’a plus eu le temps pour ça. Quoique de temps en temps, un événement outrepassait tant les bornes que tout le monde – « ce coté-ci de la route », « ce côté-là de la route », « par-delà l’eau », « par-delà la frontière » – était contraint de s’arrêter net. Une atrocité renonçante nous ébranlait, Dieu ô Dieu ô Dieu. Comment puis-je avoir une opinion qui a pu mener à ça ? , et vous vous y teniez, puis vous finissiez par oublier quand ceux de l’autre côté commettaient l’une de leurs horreurs. Ca aussi, ce n’était qu’ébranlement, chancellement. Vengeance, représailles. Ce n’était que ralliement aux mouvements pour la paix, adhésion au dialogue intercommunautaire, aux marches blanches qui incluaient tout le monde, à un vrai bon sens citoyen – jusqu’au moment où l’on soupçonnait ces mouvements pour la paix, cette bonne volonté, cette vraie et bonne citoyenneté d’être infiltrés par l’une ou l’autre faction. Alors on quittait les mouvements, on perdait espoir, on abandonnait les solutions potentielles pour retourner à cette opinion toujours familière, fiable, inévitable. A cette époque, donc, impossible, vraiment, de ne pas se refermer sur soi, car cette fermeture était partout : dans notre communauté et dans la leur, dans l’État ici, comme dans le gouvernement là-bas, dans les journaux, à la radio et à la télévision, car aucune information ne pouvait être avancée sans être soit perçue au moins par l’un des camps comme une distorsion de la vérité. Au bout du compte, même si les gens évoquaient l’ordinaire, l’ordinaire n’existait pas vraiment car la modération elle-même avait vrillé, était hors de contrôle. Aussi, peu importaient les réserves que l’on pouvait avoir – quant aux méthodes, à la morale, quant aux groupements variés qui entraient en action ou qui étaient en action depuis le début ; peu importait aussi le fait que pour nous, dans notre communauté, de « notre côté de la route », le gouvernement ici fût l’ennemi, que la police ici fût l’ennemie, et que le gouvernement « là-bas » fût l’ennemi, et les soldats de « là-bas » également, comme l’étaient aussi les paramilitaires-défenseurs de « l’autre côté de la route » et, par extension – en raison des soupçons, de tout le passif, de la paranoïa – l’hôpital, et le fournisseur d’électricité, et le fournisseur de gaz, et le fournisseur d’eau, et le conseil d’administration des établissements scolaires, et les gens du téléphone, et n’importe quel quidam en uniforme ou en tenue aisément confondue avec un uniforme aussi était l’ennemi, et nous, à notre tour, nous étions perçus par nos ennemis comme étant l’ennemi – en ces temps sombres, qui étaient des temps extrêmes, si l’on n’avait pas eu les renonçants pour faire tampon clandestinement entre nous et cet ennemi combiné, écrasant, qui d’autre, qui d’autre au monde aurions-nous eu ?
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