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Citation de historia


— Il y a un passage absolument terrible où Vopiscus parle des filles, poursuivit Diane. Celui où il se demande : Aurait-il mieux valu que je ne sois qu’une fille et que notre père m’abandonne au fil des eaux du Tibre ? Cela me rappelle le chapitre d’un livre que j’ai lu avant qu’on parte en voyage. Il parlait de la famille, sous l’Empire romain. Je peux vous assurer que ce n’était pas rigolo, à l’époque ! Quand un enfant naissait, il était placé aux pieds du père. S’il s’agissait d’un garçon, le père le prenait souvent dans ses bras et le confiait à quelqu’un qui en avait la charge. Si c’était une fille, il ne s’en souciait pas ; il n’avait aucun contact physique avec le nouveau-né et donnait seulement l’ordre de l’alimenter. Le père pouvait renier l’enfant, fille ou garçon, sans avoir à se justifier ! On abandonnait alors le bébé dans l’eau, comme c’est écrit dans le texte. Il était laissé à lui-même et mourait de froid et de faim. Les filles étaient plus souvent laissées que les garçons…

— On pensait que les filles ne valaient rien, c’est ça ? voulut savoir Léo.

— En tout cas, qu’elles ne valaient pas grand-chose ! précisa Diane. Lorsque le père acceptait de l’accueillir dans sa famille, la fille n’avait aucun choix et devait se soumettre à ses ordres : son destin était de se marier, et son devoir, de faire des enfants. À cette époque, la femme n’avait tout simplement pas de droits. C’était terrible. Elle appartenait à son père et n’était que prêtée à son mari, qui pouvait la répudier sans raison.

— C’est complètement débile ! lâcha Félix.

— D’une extrême injustice surtout, rectifia Diane. Mais, à cette époque, la famille n’était pas comme aujourd’hui. Ce n’était pas l’amour ni l’affection ni les liens de parenté qui la soudaient. Elle n’était unie que par sa soumission à un chef. Et ce chef, c’était le père ! Point final.

— Et ça s’arrêtait quand ? s’enquit Félix.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Quand est-ce que tu pouvais ne plus respecter les ordres de ton père et faire ce que tu voulais ?

— Jamais, leur apprit-elle. À cette époque, que tu aies été une fille ou un garçon, ta vie dépendait de celle de ton père jusqu’à ce que ce dernier meure. Même les citoyens romains haut placés étaient soumis aux décisions de leur père tant que celui-ci était encore vivant. Cela explique pourquoi il arrivait souvent que des fils tuent leur père, par exemple.

— Génial, soupira Léo. Quand tu étais bébé, on pouvait te laisser crever sur un radeau ; quand tu allais à l’école, on pouvait te battre ou te fouetter comme un chien ; quand tu avais un père ou un fils, on pouvait t’assassiner.

— En tout cas, moi, j’aurais adoré avoir une petite sœur, dit Félix.

— Moi aussi ! ajouta Léo.

Les deux frères se replongèrent dans une énième lecture du rapport de fouilles de Pierre Van Ceunebroeck. Diane et Max échangèrent un regard triste. Félix et Léo avaient perdu leurs parents dans un accident de la route alors qu’ils n’avaient que huit et sept ans. Ils avaient demandé à leurs grands-parents de ne plus leur en parler. Ils n’avaient pas changé d’idée avec le temps. Ils n’abordaient jamais ce sujet. Un jour, Léo avait précisé qu’il ne gardait aucun souvenir de ses parents biologiques et que, désormais, Diane et Max étaient ses vrais parents, même s’il les appelait Mamie et Papy.
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