Rencontrer son génie est un présage lourd à porter, la lampe qu’il tient à la main fait des ombres grandissantes. Elles sont le double obscur de la lumière de l’inspiration. Comme s’il fallait à cette lumière consumer beaucoup de nuit pour pouvoir éclairer un pan de réalité. L’enchantement que divulgue le moment d’inspiration masque les temps perdus à être éprouvé par le vide ou la nuit ou l’absurdité. Ce qu’on a appelé, en d’autres temps, le Spleen. (…) L’inspiration vient dans l’écriture inventer une forme parfaite pour ce qu’il y a à dire. Sa lumière semble à l’écrivain, ou au peintre, venir de plus loin que lui-même, depuis les territoires d’une enfance gardée intacte, et s’imposer dans une ordonnance secrète à laquelle il doit obéir. Cette lumière emporte avec elle des obscurités redoutables qui sont en quelque sorte la dette que le poète ou le créateur devra payer pour cet enchantement.