AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de FabtheFab


Alors, ce soir-là, quand leurs pas les entraînaient vers la sortie de Marlin, Ermine pressait le mouvement pour éviter une rencontre malheureuse. Firmin accélérait sans poser de questions, comprenant sans doute à mi-mots qu'elle préférait ne pas être vue en sa compagnie. Il savait bien que Guy ne le portait pas dans son cœur. Sur leur gauche, la tour du puits de la Fourche crachait sa fumée, une respiration sourde qui emplissait l'espace d'une haleine fétide. Mais à leur droite, c'étaient les champs, c'étaient les prairies qui s'étalaient telles des nappes jetées avec le vent, ondulantes sous la brise. Parsemé de fleurs blanches, le large lit d'herbes grasses fuyait jusqu'à l'horizon. Il avait beau être rectiligne et monotone, le paysage, de ce côté-là, ressemblait à une promesse d'évasion. D'ailleurs, sans se concerter, les deux enfants avaient quitté le sentier, ôté leurs galoches et s'y étaient engagés. En s'écartant du chemin, leurs silhouettes, menues brindilles, se découpaient à contre-jour, s'éloignaient vers le soleil couchant. Firmin avait happé les doigts d'Ermine, à moins que ce ne soit le contraire. Et alors qu'ils enjambaient les blés encore verts, leurs mains s'étaient serrées fiévreusement comme s'ils avaient peur d’être brutalement séparés. Ils avaient marché encore un peu, sans un mot, avant qu'un chêne se dresse devant eux, sa parure commençant tout juste à foisonner. Son ombre portée sur le sol était en train de se fondre dans la nuit, mais sa présence, majestueuse, ressemblait à une balise dans leur course, un abri sûr où arrêter leurs pas. D'un commun accord muet, ils s'étaient adossés à son tronc, pour contempler l'étendue qui s'évanouissait dans l'incendie du crépuscule. C'était un spectacle saisissant, offert par ce Nord, réputé pauvre et gelé, et dont les richesses naturelles ne pouvaient être réduites à celles de son sous-sol. Firmin le savait déjà, sensible depuis toujours à la moindre parcelle de beauté, s'enivrant d'un rien pour compenser la brutalité de sa vie. Ermine, elle, s'ouvrait à cette nouvelle sensation, se laissait griser par le charme de l'instant, amplifié par la légère pression impulsée par les doigts de Firmin. À ses côtés, elle ressentait intensément la rareté du moment qui les unissait. C'était comme s'ils dérivaient ensemble sur un continent invisible aux yeux des autres, avec l'impression éblouissante de vivre une expérience unique. Magique. pg 62 et 63
Commenter  J’apprécie          20





Ont apprécié cette citation (2)voir plus




{* *}