Lawrence sourit. Il s’adressa en latin à la momie, élaborant ses phrases avec soin.
« Sais-tu combien de temps tu as dormi, immortel pharaon ? Toi qui affirmes avoir vécu un millénaire. » Écorchait-il la langue de César ? Il avait passé tant d’années à traduire des hiéroglyphes qu’il se sentait rouillé quand il s’agissait de parler le latin. « Cela fait deux fois plus longtemps que n’a duré ta vie, Ramsès, depuis que tu t’es enfermé dans cette chambre ; depuis que Cléopâtre a offert son sein à la morsure du serpent venimeux. »
En silence, il contempla un moment la silhouette. Existait-il une momie qui n’éveillât pas chez quiconque une peur profonde de la mort ? On pouvait croire que la vie avait subsisté ici d’une manière ou d’une autre ; que l’âme était emprisonnée sous les bandages et qu’elle ne pouvait être libérée que si la chose était détruite.
Sans réfléchir, il reprit la parole en anglais :
« Oh, si seulement tu étais immortel ! Si tu pouvais poser les yeux sur ce monde moderne ! Et si seulement je n’avais pas à attendre qu’on me donne la permission d’ôter ces affreuses bandelettes pour regarder… ton visage ! »
Le visage. Avait-il quelque chose de changé ? Non, c’étaient seulement les rayons du soleil, n’est-ce pas ? Mais ce visage semblait en effet plus charnu. D’un geste plein de révérence, Lawrence tendit la main pour le toucher, mais se ravisa et resta le bras en l’air, immobile.