Anne Rice discussing the future of the Mayfair Witches, October 2015
Le mal, c'est quelque chose de toujours possible. Et le bien, c'est quelque chose d'éternellement difficile.
Comme tous les gens doués d’une âmes forte, elle avait toujours à souffrir d’une sorte de solitude;elle était quelqu’un de marginal,quelqu’un qui secrètement refusait les règles du jeu
- Les gens qui cessent de croire en Dieu ou en tout ce qui incarne le bien continuent de croire au diable. Je ne sais pas pourquoi. Non, vraiment, je ne vois pas pourquoi. Le mal, c'est quelque chose de toujours possible. Et le bien, c'est quelque chose d'éternellement difficile.
Il est hélas vrai que la souffrance vous rend plus profond, donne plus de lustre à vos couleurs, une résonance plus riche à vos mots. Si elle ne vous a pas détruit avant, si elle ne réduit pas à néant l'optimisme et le courage, l'imagination et le respect des choses simples et pourtant indispensables.
Pardonnez l'amertume de mes propos.
Je n'ai aucun droit d'être aigri. C'est moi qui ai tout déclenché et j'en suis sorti indemne.

"Écoute-moi, garde les yeux ouverts", me murmurait Lestat, ses lèvres remuant contre mon cou. Je me souviens qu'à ce contact tous mes poils se sont hérissés, m'envoyant à travers tout le corps une décharge sensuelle, qui n'était pas sans me rappeler les plaisirs de la chair...
L'air songeur, il porta la main droite à son menton et le caressa légèrement de l'index. Puis il reprit : À la suite de quoi, en quelques minutes, je me suis retrouvé si faible que j'en étais paralysé. Pris de panique, je me suis aperçu que je ne parvenais même pas à parler. Lestat me tenait encore, bien sûr, et son bras me semblait aussi lourd qu'une barre d'acier. J'ai senti ses dents se retirer avec une telle violence que les deux plaies qu'elles m'avaient infligées me parurent béantes et la douleur insoutenable. Ensuite, il s'est penché au-dessus de ma tête inerte et, soulevant le bras qui me ceignait, s'est mordu le poignet. Quand le sang a goutté sur ma chemise et mon manteau, il l'a contemplé les yeux brillants, à peine ouverts. Ce moment m'a paru durer une éternité, le halo de lumière désormais en suspens derrière sa tête m'évoquant une apparition. Je crois que je savais ce qu'il s'apprêtait à faire avant même qu'il agisse, et je suis resté là, impuissant, comme si cela faisait des années que j'attendais ce moment. Il a pressé son poignet ensanglanté contre ma bouche et a dit d'un ton ferme et quelque peu impatient : "Bois, Louis." Et j'ai obéi. Il a chuchoté : "Doucement Louis", puis : "Plus vite" à plusieurs reprises. J'ai bu, aspirant le sang par les deux plaies, retrouvant pour la première fois depuis ma petite enfance le plaisir particulier de la tétée, corps et esprit s'abreuvant tous deux à cette source de vie lumineuse.
(..) le registre fantastique me paraît être le meilleur registre pour capter nos joies, nos souffrances, nos tragédies. Aussi, il permet de nous rappeler que nous sommes tous des monstres. Nous sommes certes des entités biologiques, mais nous possédons aussi une âme. Nous sommes mortels tout en croyant à la vie après la mort. Nous aimons, aussi, de tout notre coeur, même si l'on est également capable de tuer…
(dans un entretien avec le magazine "Lire" )

Je me suis détourné du marais, en direction du coeur de la vieille ville, et j'ai senti la main douce et réconfortante de Claudia qui serrait la mienne. Elle avait rassemblé un bouquet de fleurs sauvages chipées sur tous les murs des jardins que nous avions croisés, et elle le tenait très fort contre le plastron de sa robe jaune, le visage plongé dans leurs senteurs. Et puis elle m'a dit d'une voix si basse que j'ai dû approcher l'oreille : "Louis, tu es préoccupé. Tu connais le remède à cela. Laisse la chair... laisse la chair instruire l'esprit." Elle a lâché ma main et je l'ai regardée s'éloigner de moi, se retournant une fois pour murmurer la même consigne : "Oublie-le. Laisse la chair instruire l'esprit..." Cela m'a rappelé le livre de poèmes que j'avais à la main la première fois qu'elle avait prononcé ces paroles, et les vers inscrits sur la page :
Ses lèvres étaient rouges, ses regards étaient effrontés,
Ses cheveux étaient jaunes comme l'or
Sa peau était blanche comme la lèpre,
Elle était le cauchemar Vie-dans-la-Mort
Qui alourdit le sang de l'homme par le froid
Elle souriait depuis le bout de la rue, un morceau de soie jaune visible un instant dans l'obscurité qui faiblissait, avant de disparaître. Ma compagne, ma compagne pour toujours.
- Mais la Venise de ton époque, raconte-moi...
- Te raconter quoi? Qu'elle était sale ? Magnifique ? Que les gens se promenaient vêtus de haillons, les dents pourries, l'haleine fétide, et qu'ils riaient pendant les exécutions capitales. Tu veux savoir quelle est la différence essentielle ? Les individus sont terriblement seuls, aujourd'hui. Non, écoute-moi. Nous habitions à six ou sept dans la même chambre du temps où j'étais encore parmi les vivants. Une marée humaine envahissait les rues. Et à présent, dans ces tours errent des malheureux, chacun claquemuré dans son confort, contemplant par la lucarne de la télévision un univers lointain de baisers et de caresses. Un tel isolement ne peut que produire une uniformisation des connaissances, une nouvelle échelle des valeurs, un bizarre scepticisme.
- Je voulais demander... ll y a une croix dans les chapelets, il me semble ?
- Oh ! Cette histoire de croix ! (Le vampire rit.) Vous faites allusion à cette idée que nous aurions peur des croix ?
- Je croyais que vous ne pouviez pas les regarder, dit le jeune homme.
- Une idiotie, mon cher ami, une pure idiotie. Je peux regarder tout ce que je veux. Et, entre autres, j'aime bien regarder les crucifix.
(...) nous ne changeons pas avec le temps ; nous sommes pareils aux fleurs qui s'ouvrent, nous ne faisons que devenir un peu plus nous-mêmes.