"Mon ami, ne sens-tu pas
Que seul importe sur terre
Ce qu'un coeur dit à un coeur
Dans un message silencieux?"
Vladimir Soloviev.
"L'amour ne donne rien que lui-même
et ne prend rien que lui-même.
Il ne peut posséder et ne peut être possédé.
CAR L'AMOUR SUFFIT A L'AMOUR."
Khalil Gibran, Le Prophète.
"Je vous aime, je vous aime. Je ne vois pas quoi vous dire d'autre et je ne sais pas pourquoi je vous le dis, mais il faut que je vous le dise.
Quelque chose m'y oblige.
Je vous aime.
Je ne suis ni fou ni dangereux, mais je ne vous reprocherais pas de penser que je le suis.
Je vous ai aimée dès que je vous ai vue remonter l'allée avec ce bouquet de ballons.
J'ai aimé la raie dans vos cheveux et la forme de votre bouche.
J'ai aimé le calme avec lequel vous m'avez pris dans vos bras-cela, c'était plus tard.
J'y pense tous les jours, une centaine de fois par jour, ou plutôt, j'y pense continuellement, je sens encore précisément vos mains appuyées contre mon dos, je revis ce que j'ai éprouvé en vous serrant dans mes bras, vous, votre merveilleuse minceur, je ne pense plus à rien d'autre, qu'à cette minute où nous étions ensemble devant votre porte.
Je vous aime, c'est tout.
Je vous aime, purement et simplement.
Je vous aime."
Carol Shields, La République de l'amour.
"Mon amour, tous les deux, nous scellons le silence,
la mer a beau ruiner ses statues incessantes
et renverser ses tours de folie, de blancheur,
NOUS,
dans la trame de cette étoffe invisible
que font l'eau emballée et le sable éternel,
nous maintenons la tendresse unique et traquée."
Pablo Neruda, La Centaine d'amour.
La chambre à coucher est un motif omniprésent dans la peinture galante, les gravures licencieuses, les romans de séduction.
"Il est tant de beauté dans tout ce qui commence."
Rainer-Maria Rilke, Lettres à un jeune poète.
"JE T'AIME. Oh! ce bruit d'eau qui pleure,
Qui sanglote comme un adieu.
Tu vas me quitter tout à l'heure :
On dirait qu'il pleut dans tes yeux."
Francis Carco, "Il pleut" in La Bohême et mon coeur.
En ce jour froid de décembre, contemplant l'esquisse qu'il vient d'achever, il se répète qu'il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un pendant. Il doit trouver des éléments narratifs, symboliques ou chromatiques qui lieront les deux tableaux. Il y aura déjà ce clair-obscur éclairant les visages. Et puis, bien sûr, le format presque semblable, soit une hauteur de soixante-quatorze centimètres sur une largeur de quatre-vingt-quatorze pour Le Verrou, soixante-treize sur quatre-vingt-treize pour L'Adoration. Mais il lui faut aller plus loin. Imaginer un indice reliant ces deux scènes si éloignées.
L'idée lui vient, comme une illumination...
ll placera une pomme sur la table de chevet.
C'est elle qui fera le lien entre L'Adoration des bergers et Le Verrou. La pomme rouge et ronde n'échappera pas à l'oeil averti de Véri. Il en saisira aussitôt l'importance. Il connaît la très ancienne tradition picturale dans laquelle on associait une tentation à une nativité en une paire de tableaux accrochés côte à cote. La pomme de la tentation d'Eve dans l'Ancien Testament viendra en écho à la venue du Sauveur dans le Nouveau Testament, s'inscrivant dans un grand récit commun. Le fruit de la chute originelle sera mis en regard de la naissance divine. La faute et la rédemption se feront face. L'œil passant d'un tableau à l'autre s'en trouvera étrangement troublé.
Quatre ans avant la publication des Liaisons dangereuses, le tableau de Fragonard avait donc déjà incarné cela : la puissance de l'élan spontané contre la volonté rationalisante, l'impétuosité du désir contre le calcul cynique, le moment de vertige, l'incertitude sur ce qui advient. Fragonard l'avait exprimé dans un merveilleux mouvement d'envol et d'étreinte des personnages, dans la subtile chorégraphie des corps, dans la beauté de visages saisis par le ravissement.
Et quelle scène ! Un jeune homme qui ferme résolument le verrou d'une chambre à coucher au lit défait et, dans ses bras, une femme pâmée qui tente de l'en empêcher…