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Citation de annielavigne


Je ne traînai pas dans la rue bien longtemps. J’étais trop intelligente pour cela. Je me fis des copains plus âgés, qui sortaient dans les boîtes de nuit. Je me teignis les cheveux en rose et je me perçai le nombril.
Je sortis de la pénombre et commençai à danser sous les feux des projecteurs. Adolescente à la découverte de sa sexualité, je partais faire la tournée des discothèques les plus branchées. Avec mes fausses cartes d’identité, je rentrais dans tous les clubs, où la drogue se distribuait comme des bonbons. Des jaunes, des bleus, des rouges, des verts…
Incroyable comment ces petites pilules pouvaient te faire oublier le con qui t’avait plantée là ou la baffe que ton vieux t’avait donnée…
La nuit venue, nous endormions notre conscience, et nos enfers personnels devenaient un feu de joie autour duquel nous dansions. La nuit venue, tous mes amis se croyaient heureux. Moi, au moins, je savais que je ne l’étais pas. J’étais vide en dedans.
Comment peut-on se sentir vide à quinze ans, alors que la vie a encore tant à nous offrir ?
C’est qu’on est vulnérable, on n’a pas encore fabriqué notre bouclier, forgé notre carapace. Les loups rôdent, les vautours guettent, et si l’on n’est pas vigilant, on tombe entre leurs griffes…
J’étais maintenant une dure à cuire, mais franchement, je n’y croyais pas du tout. Derrière cette belle jeune femme se cachait une petite fille rêveuse qui dormait encore avec Monsieur l’Ourson.

Papa, je ne voulais que dans tes bras être serrée, mais tu avais les bras cassés…

Mon père n’avait rien contre le fait que je sorte dans les discothèques, même à mon âge. Il s’en balançait que je ne rentre pas coucher, il n’en dormait que mieux, ce con, sur ses deux oreilles bien bouchées. Pour lui, j’étais une petite pute qui n’avait rien de mieux à faire que de courir après les hommes. Alors, c’est ce que je fis.
Je me mis à découcher... et je commençai à coucher. À quinze ans, j’étais déjà une grande fille...

Avec ce déménagement, j’avais tout perdu : ma mère, mon enfance, ma virginité. Malgré cela, un feu intérieur commença à brûler en moi. Je crus tout d’abord que c’était de la haine, mais il s’agissait plutôt d’une fureur de vivre. Un intarissable goût de la vie qui me donna l’espoir de sortir un jour de ce gouffre où je m’étais enlisée. Le gouffre de l’adolescence...

Ma mère, pendant que je mendiais de l’affection, travaillait dans un pays africain en voie de développement à un projet d’urbanisation. Je l’admirais beaucoup, et je lui pardonnai d’être partie.
C’était mon rêve aussi.
Partir.
Comme un oiseau tropical espérant retourner dans sa forêt, je rêvais de retourner quelque part, comme si je n’étais pas vraiment née ici.
Après un an en terre africaine, où elle menait une vie excitante et pleinement satisfaisante, elle décida de s’y établir. Nous entretînmes une correspondance de cinq ou six lettres par année. Elle devint pour moi davantage une amie qu’une mère. Lorsque la vie pesait de tout son poids sur mes frêles épaules, c’était elle qui me donnait de l’espoir. Je me disais que moi aussi un jour je partirais.
Je sentis monter en moi cette irrépressible envie de partir. L’envie de tout lâcher pour poursuivre un rêve d’aventures, du canal de Suez jusqu’à la Terre de Feu, traversant l’Atlantique pour longer les côtes de l’Afrique jusqu’au delta du Nil. Le désir d’une longue fuite sur les immuables chemins du monde…
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