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4/5 (sur 112 notes)

Nationalité : Canada
Né(e) à : Granby, Québec , 1976
Biographie :

Annie Lavigne est une écrivaine québécoise. Elle publie son premier roman, "Journal d’une effrontée timide", à l’âge de 16 ans. Puis elle publie "Morgane" ainsi que "Marie de la mer", son premier best-seller, qui se vendra à plus de 17 000 exemplaires.

Après 25 années d'expérience dans le domaine littéraire, elle a plus une douzaine de romans à son actif, dont la trilogie d'inspiration celtique "Avana", la trilogie de chick-lit "Morgane" et la série de science-fiction/fantastique "La Confrérie du Serpent".


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Citations et extraits (123) Voir plus Ajouter une citation
Je ne traînai pas dans la rue bien longtemps. J’étais trop intelligente pour cela. Je me fis des copains plus âgés, qui sortaient dans les boîtes de nuit. Je me teignis les cheveux en rose et je me perçai le nombril.

Je sortis de la pénombre et commençai à danser sous les feux des projecteurs. Adolescente à la découverte de sa sexualité, je partais faire la tournée des discothèques les plus branchées. Avec mes fausses cartes d’identité, je rentrais dans tous les clubs, où la drogue se distribuait comme des bonbons. Des jaunes, des bleus, des rouges, des verts…

Incroyable comment ces petites pilules pouvaient te faire oublier le con qui t’avait plantée là ou la baffe que ton vieux t’avait donnée…

La nuit venue, nous endormions notre conscience, et nos enfers personnels devenaient un feu de joie autour duquel nous dansions. La nuit venue, tous mes amis se croyaient heureux. Moi, au moins, je savais que je ne l’étais pas. J’étais vide en dedans.

Comment peut-on se sentir vide à quinze ans, alors que la vie a encore tant à nous offrir ?

C’est qu’on est vulnérable, on n’a pas encore fabriqué notre bouclier, forgé notre carapace. Les loups rôdent, les vautours guettent, et si l’on n’est pas vigilant, on tombe entre leurs griffes…

J’étais maintenant une dure à cuire, mais franchement, je n’y croyais pas du tout. Derrière cette belle jeune femme se cachait une petite fille rêveuse qui dormait encore avec Monsieur l’Ourson.

Papa, je ne voulais que dans tes bras être serrée, mais tu avais les bras cassés…

Mon père n’avait rien contre le fait que je sorte dans les discothèques, même à mon âge. Il s’en balançait que je ne rentre pas coucher, il n’en dormait que mieux, ce con, sur ses deux oreilles bien bouchées. Pour lui, j’étais une petite pute qui n’avait rien de mieux à faire que de courir après les hommes. Alors, c’est ce que je fis.

Je me mis à découcher... et je commençai à coucher. À quinze ans, j’étais déjà une grande fille...

Avec ce déménagement, j’avais tout perdu : ma mère, mon enfance, ma virginité. Malgré cela, un feu intérieur commença à brûler en moi. Je crus tout d’abord que c’était de la haine, mais il s’agissait plutôt d’une fureur de vivre. Un intarissable goût de la vie qui me donna l’espoir de sortir un jour de ce gouffre où je m’étais enlisée. Le gouffre de l’adolescence...

Ma mère, pendant que je mendiais de l’affection, travaillait dans un pays africain en voie de développement à un projet d’urbanisation. Je l’admirais beaucoup, et je lui pardonnai d’être partie.

C’était mon rêve aussi.

Partir.

Comme un oiseau tropical espérant retourner dans sa forêt, je rêvais de retourner quelque part, comme si je n’étais pas vraiment née ici.

Après un an en terre africaine, où elle menait une vie excitante et pleinement satisfaisante, elle décida de s’y établir. Nous entretînmes une correspondance de cinq ou six lettres par année. Elle devint pour moi davantage une amie qu’une mère. Lorsque la vie pesait de tout son poids sur mes frêles épaules, c’était elle qui me donnait de l’espoir. Je me disais que moi aussi un jour je partirais.

Je sentis monter en moi cette irrépressible envie de partir. L’envie de tout lâcher pour poursuivre un rêve d’aventures, du canal de Suez jusqu’à la Terre de Feu, traversant l’Atlantique pour longer les côtes de l’Afrique jusqu’au delta du Nil. Le désir d’une longue fuite sur les immuables chemins du monde…
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Amorgen et les autres grands-druides transmirent le message de Dechtiré à Conor Mac Ness, roi d’Ulster, et Maeve, reine du Connaught. Cette quête-ci étant plus importante que les stratégies militaires pour se disputer de nouveaux territoires, les souverains conclurent une trêve et choisirent leurs plus vaillants guerriers afin de ratisser les plaines, de fouiller les montagnes et de pénétrer au cœur des plus denses forêts de l’île Verte. Toutes les femmes au ventre un peu rond furent palpées et l’on surveilla de près tous les accouchements.
Vint le jour du solstice d’hiver. Amorgen désespérait de trouver l’enfant de la prophétie à temps. Aussi accueilla-t-il avec soulagement une vision où Dana lui montrait le repaire de la puissante Ess Enchen. Le Grand Druide connaissait la sorcière. Il savait qu’elle avait déjà comploté avec les Seigneurs Fomorés et était capable de duper les dieux. Ce ne pouvait être qu’elle, il en était persuadé.
Il guida le roi Conor et les chevaliers de la Branche rouge jusqu’au cœur ténébreux de la forêt aux Mille Voix. Ils se rapprochèrent de l’endroit où gisait la sorcière. La lune était pleine et ses rayons s’infiltraient entre les branches des arbres pour donner vie, l’espace d’une nuit, au pays des ombres. Les hautes herbes et les buissons frémissaient. Les brindilles qui jonchaient le sol craquaient parfois sous les pas lourds des chevaliers.
Alors que l’astre froid disparaissait derrière d’épais nuages, le Amorgen fit signe à Conor et à ses hommes. Mains crispées sur leurs épées, ceux-ci se dissimulèrent à l’abri des troncs épais.

Étendue sur sa longue cape pourpre brodée de fils d’argent, Ess Enchenn se tordait de douleur. Tantôt elle dépliait les jambes et arquait le dos, tantôt elle rapprochait ses genoux de sa poitrine palpitante. De grosses gouttes de sueur inondaient son front et ses tempes. Ses doigts labourèrent le sol en creusant de profonds sillons et elle hurla de douleur. Sa tromperie à Lug, elle la payait au prix fort. Ess sentait toute la puissance du petit être qui cherchait à sortir, quitte à lui déchiqueter les entrailles. Son corps de mortelle n’était pas fait pour donner vie à un demi-dieu.
Elle s’étendit sur le dos, les genoux repliés. Son visage se crispa comme si le souffle de la mort lui caressait l’échine. Elle laissa échapper un hurlement terrible, inhumain, qui se fit l’écho de cette incroyable naissance. Pour la première fois depuis la création des mondes, un enfant de la tribu de Dana voyait le jour dans le royaume des hommes.

Amorgen avait attendu cet instant pour donner l’ordre aux chevaliers de l’entourer. Il connaissait les secrets du sang. Il savait que la force des femmes résidait dans ce précieux liquide qui s’écoulait à chaque lune de leur matrice et leur conférait la faculté de donner la vie. Depuis leur arrivée, il guettait le moment où la sorcière serait trop affaiblie pour leur résister.
Sortant les épées de leurs fourreaux, les hommes créèrent un cercle de lames argentées autour d’Ess Enchenn. À la demande d’Amorgen, Conor Mac Ness récupéra le nouveau-né dans ses bras et s’éloigna. La sorcière gisait à terre, à demi consciente. Le Druide fit signe aux guerriers de ranger leurs armes et de se boucher les oreilles. Il leva les bras vers le ciel et récita une série d’incantations. Amorgen était l’un des rares mortels à posséder le pouvoir de transformer la matière. À force d’étudier l’anatomie et les lois de la création, il avait réussi à percer leurs secrets. Après des décennies de recherches et de pratique, il avait découvert que le son avait le pouvoir de transformer le corps, de modifier chaque cellule sans altérer l’esprit qui était l’essence même de l’être.
Il répéta les mêmes paroles encore et encore, des mots empreints d’une puissance magique. Il vit Ess Enchenn se métamorphoser lentement. Sa peau se désagrégea, ses organes se liquéfièrent, ses os se décomposèrent. Tout son corps se transforma en fines gouttelettes de sang qui s’élevèrent en un tourbillon écarlate et se déposèrent sur les milliers d’aiguilles d’un immense pin, le seul arbre qui saurait les garder, même durant les grands froids de l’hiver. Ainsi Amorgen emprisonna-t-il la maléfique Ess au cœur de la forêt aux Mille Voix.
Après que ses incantations eurent fait leur œuvre magique, le Grand Druide rejoignit Conor qui l’attendait à l’écart avec l’enfant-Lumière. Il enveloppa le bébé dans sa cape et rentra à Emain Macha, escorté par le roi et les chevaliers.

Les Seigneurs Fomorés, qui s’étaient bien gardés de révéler leur présence, maudirent ceux qui s’étaient emparés de leur enfant. Ils ne se fatiguèrent même pas à délivrer la sorcière. Elle ne leur était plus d’aucune utilité. En revanche, ils se jurèrent de récupérer sa fille quand celle-ci sortirait de l’enfance, prête à accomplir son destin…
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Une odeur d’encens planait dans le studio où un musicien de jazz faisait hurler sa trompette. Le décor était minimaliste : un matelas posé directement sur le sol, des coussins et une chaîne hi-fi, derniers vestiges de l’antre du jeune homme.

Julien alluma des dizaines de chandelles qu’il disposa de manière à éclairer subtilement tous les coins sombres. Alors que les flammes dissipaient l’obscurité, les contours de la pièce se dessinaient. Le studio n’était plus qu’une grande pièce dépouillée et sans âme, prête à recevoir les meubles du prochain locataire. Ce vide lui donnait un tout autre cachet.

Je m’approchai de la fenêtre. Dans le ciel, les étoiles brillaient, ces précieux diamants qui, au matin, tomberaient dans les nuages pour faire s’abattre sur la ville un orage aux gouttes de pluie scintillantes… Et au centre du ciel, dans toute sa splendeur, la lune pleine nous poignardait de ses puissants rayons.

Ce soir, la reine de la nuit était notre complice…

Nous allions passer l’une de nos dernières nuits ensemble et nous avions ce grand espace à notre disposition. Nous pouvions y créer un ballet moderne, y faire une exposition de corps humains ou y peindre des œuvres surréalistes si telle était notre fantaisie. Nous pouvions écouter Vivaldi à tue-tête en jouant les chefs d’orchestre ou hurler à la lune en imitant le loup. La nuit, tout était permis…
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Tandis qu’il traversait la salle pleine à craquer, Amorgen entendit un brouhaha émaner de la foule : « À mort ! », « Tuons cette enfant maudite ! », « C’est une malédiction pour notre peuple ! » D’un geste de la main, le roi les fit taire.
Le Grand Druide leva Avana à bout de bras, afin que tous puissent voir son aura lumineuse. L’éclat qui brillait au fond de ses yeux bleus et sa peau d’où émanait la plus belle lueur qu’ils aient jamais vue semblèrent captiver les Ulates.
– Ce bébé est la fille de Lug, la fille du Soleil ! affirma Amorgen d’une voix solennelle. Elle appartient à la tribu de Dana ! Nous ne pouvons sacrifier un des leurs.
– Tu veux élever parmi nous une sorcière encore plus puissante qu’Ess Enchenn ! s’écria l’un des chevaliers.
– Une sorcière ? Vous croyez qu’elle deviendra une sorcière ? demanda le Druide en haussant le ton. Êtes-vous devins pour oser parler ainsi ? Qui parmi vous peut prétendre connaître l’avenir de cette enfant ? Qui sait ce qu’elle deviendra ?
– Toi, tu devrais le savoir ! N’es-tu pas devin, Amorgen ? Ne vois-tu pas son destin ? l’interpella une femme du fond de la salle.
– La nuit dernière, je me suis rendu dans la plaine avec elle. Je l’ai étendue dans l’herbe et j’ai scruté les nuages. J’ai observé la position des étoiles et j’ai écouté souffler le vent. J’ai interrogé la nature et les astres toute la nuit pour connaître l’avenir de cette enfant. Je n’ai rien vu, rien senti, rien entendu. Même la nature ne connaît pas son destin. Je vous l’ai dit : ce n’est pas une mortelle comme nous.
En racontant cela, Amorgen mentait aux siens. En fait, il avait eu la même vision que de nombreuses années auparavant : cette enfant, une fois grande, pourrait aider les Seigneurs Fomorés à prendre le contrôle de la terre d’Erin. Il ne voulait pas révéler cette prophétie à son peuple qui risquait de la mettre à mort sans tenir compte de ses conseils. Ce qui serait une terrible erreur puisqu’elle devait aussi être une bénédiction pour les peuples de l’île Verte, celle qui les sauverait du joug des Ténèbres. Il ne comprenait pas comment l’enfant-Lumière pouvait être à la fois une malédiction et une grâce, mais il avait foi en ses visions.
– Tu l’as dit, Amorgen, elle n’est pas comme nous ! s’exclama une femme hargneuse. Qui sait si sa seule présence n’attirera pas sur nous les forces des Ténèbres ?
– Cessez donc d’avoir peur de tout. Ce n’est qu’un bébé… intervint Conor Mac Ness en se levant.
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La mer de l’Oubli brillait intensément alors qu’Emroth plongeait sous sa surface. Il s’enfonça dans l’eau et son corps frissonna légèrement. Puis il ne ressentit plus le besoin de respirer : il venait de pénétrer dans le monde parallèle…

Ça y est, songea-t-il, exalté. Je vais enfin toucher la Mère des océans… L’élémentaliste de l’eau descendit de plus en plus profondément dans les abysses, guidé par les trois ondines qui étaient venues le chercher. Les rayons de l’astre du jour s’amenuisèrent et firent place à une lumière tamisée. Complètement à l’aise dans l’eau, il se laissa transporter par les créatures de l’Autre Monde, oubliant peu à peu où il était…

Les élémentaux lâchèrent soudain ses mains et poursuivirent leur chemin, s’évanouissant dans l’étendue bleue. Serein, il se laissa descendre dans les profondeurs de la mer de l’Oubli. Et le temps s’arrêta.

Porté par la douceur de l’eau, il ressentit le calme et la sécurité du ventre d’une mère. En ce lieu où régnait un silence réconfortant, il éprouva un sentiment de paix total.

Il leva les yeux. Il était si profond que la lumière du soleil ne l’atteignait plus, mais les eaux étaient aussi claires qu’à la surface : des milliers d’éclats argentés brillaient tout autour de lui.

Comme c’est beau… pensa-t-il, émerveillé.

Emroth perdit peu à peu la mémoire. Faisant lentement un tour sur lui-même, il tenta de se rappeler les événements qui l’avaient mené jusque-là, mais il n’en gardait aucun souvenir. Il se sentit alors complètement en paix. Ni les regrets du passé ni les appréhensions du futur ne pouvaient le hanter. Seul existait l’instant présent.

Qui suis-je ? se demanda-t-il. Même cela, il l’avait oublié. Qui était-il, d’où venait-il, et surtout, où allait-il ? Il n’en savait rien.

Il s’abandonna complètement à la mer de l’Oubli, nageant au fond de l’eau, envahi par ce sentiment de sérénité où il ne ressentait plus ni la peur ni la tristesse. Les éclats de lumière s’amenuisèrent peu à peu et il ne resta autour de lui que la noirceur, immense, infinie…
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– Marie la douce, es-tu vraiment aussi douce qu’on le dit ? susurra Antoine.
Je sentis mes mains devenir moites et les battements de mon cœur s’accélérer. Mais j’essayai de garder la tête froide, pour ne pas que ce grand gaillard de la ville remarque qu’il pouvait me troubler avec quelques mots.
– Quand on m’a trouvée sur le rivage, l’eau salée de la mer avait rendu ma peau aussi douce que du satin.
– Moi, je vais t’appeler Marie la fière.
– Pourquoi « la fière » ?
– Parce que tout à l’heure, quand tu dansais et que tout le village te regardait, tu avais l’air d’une fille fière.
– Si j’ai l’air de quoi que ce soit, c’est sans le vouloir. Et les gens du village, je ne dansais pas pour eux.
– Non, tu dansais pour moi.
Je plongeai mon regard pétillant dans ses yeux sombres.
– C’est vraiment ce que tu penses, Antoine le faux pêcheur ?
– Je pense que tu dansais juste pour moi, précisa-t-il en pressant sa main contre ma cuisse.
Mon cœur fit un bond dans ma poitrine.
J’avais envie de sentir sa main remonter le long de ma cuisse... mais j’avais aussi envie de le gifler pour son arrogance ! Cela me fâchait qu’il ose prétendre que je dansais pour lui. Ou plutôt, cela me fâchait qu’il ait compris que je dansais pour lui. Je n’étais pas une morue que l’on pouvait pêcher, et je ne serais sûrement pas sa prise ce soir !
Tranquillement, il se pencha vers moi. Ses lèvres étaient tout près des miennes. « Comme ce serait bon de les goûter… » me dis-je, puis je me ressaisis. Au moment où Antoine tenta de me voler un baiser, je détournai la tête et descendis de la charrette.
– Si tu veux que je t’embrasse, il va falloir que tu gagnes plus qu’une simple course, Antoine Boileau ! soutins-je en montant les marches de la galerie.
– Ah oui ! Et qu’est-ce qu’il faut que je gagne ?
– Si tu ne le sais pas, tu ne me mérites pas ! lançai-je en entrant dans la maison.
– Salut, Marie la fière ! On se retrouvera bientôt…
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Je ne traînai pas dans la rue bien longtemps. J’étais trop intelligente pour cela. Je me fis des copains plus âgés, qui sortaient dans les boîtes de nuit. Je me teignis les cheveux en rose et je me perçai le nombril.
Je sortis de la pénombre et commençai à danser sous les feux des projecteurs. Adolescente à la découverte de sa sexualité, je partais faire la tournée des discothèques les plus branchées. Avec mes fausses cartes d’identité, je rentrais dans tous les clubs, où la drogue se distribuait comme des bonbons. Des jaunes, des bleus, des rouges, des verts…
Incroyable comment ces petites pilules pouvaient te faire oublier le con qui t’avait plantée là ou la baffe que ton vieux t’avait donnée…
La nuit venue, nous endormions notre conscience, et nos enfers personnels devenaient un feu de joie autour duquel nous dansions. La nuit venue, tous mes amis se croyaient heureux. Moi, au moins, je savais que je ne l’étais pas. J’étais vide en dedans.
Comment peut-on se sentir vide à quinze ans, alors que la vie a encore tant à nous offrir ?
C’est qu’on est vulnérable, on n’a pas encore fabriqué notre bouclier, forgé notre carapace. Les loups rôdent, les vautours guettent, et si l’on n’est pas vigilant, on tombe entre leurs griffes…
J’étais maintenant une dure à cuire, mais franchement, je n’y croyais pas du tout. Derrière cette belle jeune femme se cachait une petite fille rêveuse qui dormait encore avec Monsieur l’Ourson.

Papa, je ne voulais que dans tes bras être serrée, mais tu avais les bras cassés…

Mon père n’avait rien contre le fait que je sorte dans les discothèques, même à mon âge. Il s’en balançait que je ne rentre pas coucher, il n’en dormait que mieux, ce con, sur ses deux oreilles bien bouchées. Pour lui, j’étais une petite pute qui n’avait rien de mieux à faire que de courir après les hommes. Alors, c’est ce que je fis.
Je me mis à découcher... et je commençai à coucher. À quinze ans, j’étais déjà une grande fille...

Avec ce déménagement, j’avais tout perdu : ma mère, mon enfance, ma virginité. Malgré cela, un feu intérieur commença à brûler en moi. Je crus tout d’abord que c’était de la haine, mais il s’agissait plutôt d’une fureur de vivre. Un intarissable goût de la vie qui me donna l’espoir de sortir un jour de ce gouffre où je m’étais enlisée. Le gouffre de l’adolescence...

Ma mère, pendant que je mendiais de l’affection, travaillait dans un pays africain en voie de développement à un projet d’urbanisation. Je l’admirais beaucoup, et je lui pardonnai d’être partie.
C’était mon rêve aussi.
Partir.
Comme un oiseau tropical espérant retourner dans sa forêt, je rêvais de retourner quelque part, comme si je n’étais pas vraiment née ici.
Après un an en terre africaine, où elle menait une vie excitante et pleinement satisfaisante, elle décida de s’y établir. Nous entretînmes une correspondance de cinq ou six lettres par année. Elle devint pour moi davantage une amie qu’une mère. Lorsque la vie pesait de tout son poids sur mes frêles épaules, c’était elle qui me donnait de l’espoir. Je me disais que moi aussi un jour je partirais.
Je sentis monter en moi cette irrépressible envie de partir. L’envie de tout lâcher pour poursuivre un rêve d’aventures, du canal de Suez jusqu’à la Terre de Feu, traversant l’Atlantique pour longer les côtes de l’Afrique jusqu’au delta du Nil. Le désir d’une longue fuite sur les immuables chemins du monde…
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Sur le tertre d’Arberth, un monticule sacré de la forêt aux Mille Voix, se trouvait un cromlech formé de douze menhirs dressés en cercle sous lequel passait un puissant courant tellurique. Pas même les druides les plus érudits ne savaient qui avait érigé ces pierres qui, selon la légende, dataient d’au moins trois mille ans.
À l’aurore du septième matin suivant la naissance de l’enfant, une procession avec, en tête, le Grand Druide se rendit au cromlech qui servait aux cérémonies des Ulates, ainsi qu’aux réunions druidiques secrètes.
C’était le début de la saison froide et une fine couche de givre recouvrait le sol. Tandis que les Ulates formaient un demi-cercle devant Amorgen, les rayons du soleil levant firent briller les hautes herbes de la clairière, conférant à ce lieu un aspect magique.
Le silence se fit dans l’assemblée et l’on n’entendit plus que le chant des oiseaux qui célébraient de leurs trilles. Au moment où le Druide leva la petite Avana vers le ciel pour la présenter aux dieux qui observaient ce baptême, les mortels en présence ressentirent un frisson inexplicable. Ils participaient à un événement dont l’importance dépassait leur entendement.
Sans les voir, ils étaient entourés de représentants des autres mondes. La tribu de Dana offrit sa protection à l’enfant par le biais de Dechtiré qui lui caressa le front du bout de son aile blanche. Les Seigneurs Fomorés, quant à eux, dirigèrent vers elle les puissances des Ténèbres pour la préparer à sa mission future. Les druides, qui avaient développé leur vision du monde parallèle, aperçurent aussi des gnomes et des elfes, intrigués par l’enfant à l’aura lumineuse. Même dans la solitude, au sommet des plus hautes montagnes ou dans les entrailles du monde, Avana ne serait jamais seule. Et ce serait avec beaucoup d’intérêt que tous la regarderaient grandir.

Durant les années qui suivirent, Amorgen ne se déplaça jamais sans Avana. Il l’entourait d’un long morceau de tissu et la portait en écharpe. Ainsi continua-t-il à exercer ses fonctions de Grand Druide, de prêtre, de guérisseur et de juge, traversant la contrée en sentant contre sa poitrine la chaleur du bambin. Il s’occupa d’elle avec autant de soin qu’une nourrice, lui donnant à manger la meilleure nourriture possible, lui confectionnant des vêtements chauds pour la saison morte, se souciant de répondre à tous ses besoins.
Au fil des ans, son amour envers elle se développa et il en vint à la considérer comme sa propre fille. La peau d’Avana perdit l’éclat particulier qu’elle avait à sa naissance et, excepté pour cette petite flamme qui brillait au fond de ses prunelles, elle ressemblait en tout point à une mortelle.
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Un après-midi blafard du mois des morts, Scatach prit à part le groupe d’Avana et l’emmena à l’extérieur. Ils se rendirent au centre de la plaine où la brume s’accrochait aux hautes herbes. Le soleil était tapi derrière de gros nuages sombres et une fine pluie se mit à tomber.
– Cette plaine a vu couler le sang de mes ancêtres ! s’exclama-t-elle d’un ton solennel. Des milliers d’hommes sont morts ici. Si vous ouvrez votre cœur et écoutez avec recueillement, vous les entendrez. Percevez-vous le cliquetis des épées qui s’entrechoquent, le fracas des haches qui fendent les boucliers, la longue complainte des guerriers dont le sang vient nourrir la terre et le vent, éternel, qui souffle sur cette scène pour la balayer dans le passé ? Entendez-vous le murmure du vent, qui a amené la mort, qui a caressé les lèvres des hommes à l’agonie ? L’entendez-vous qui vous chuchote que l’histoire se répète si les hommes ne font rien pour ouvrir leur cœur ?
Avana balaya la plaine des yeux. À l’autre extrémité, là où la brume était la plus dense, elle entrevit une silhouette, une deuxième… Lentement, des dizaines et des dizaines de guerriers farouches sortaient du brouillard magique au son de la cornemuse. Malgré la distance, elle pouvait voir la fureur haineuse qui enlaidissait leurs visages crispés. Ils venaient pour vaincre. Ils venaient pour massacrer leurs ennemis, pour prendre leurs terres et attendre… attendre que l’histoire se répète.
– Valmir et Avana ! dit Scatach en la tirant de sa rêverie. Je veux que vous vous battiez jusqu’à ce que le perdant nourrisse la terre de mes ancêtres de son sang !
Avana acquiesça d’un signe de tête. Elle scruta de nouveau l’horizon. Là où s’était trouvée l’armée, il n’y avait plus rien que les hautes herbes qui frémissaient sous le vent. Pourtant, elle était certaine de ne pas avoir rêvé. Ces guerriers scotts écumant de rage étaient trop réels pour être sortis de son imagination. C’était à cause du brouillard. La brume avait créé une brèche dans le temps, ramenant devant ses yeux ces scènes du passé.
– L’histoire se répète… murmura-t-elle tout bas.
La vue de ces guerriers avait fait remonter en elle le souvenir de son propre peuple, le souvenir des chevaliers de la Branche rouge qui revenaient des grandes batailles contre le Connaught meurtris, mutilés, pressant leurs plaies qui saignaient abondamment et jurant qu’ils vengeraient la mort de leurs pères, de leurs frères, de leurs compagnons.
Mue par sa soif de revanche, elle dégaina son épée et se retourna vers Valmir.
– Tu veux vraiment que je souille cette terre de ton impur sang d’Ulate ? se moqua-t-il.
À cet instant, toute la haine et la frustration qu’elle avait accumulées depuis près d’un an sortirent en un long hurlement. Valmir eut juste le temps de dégainer son épée et de la porter devant lui. La lame d’Avana frappa la sienne avec une telle vigueur qu’il recula. Elle n’avait jamais ressenti une telle fureur en elle. Elle était enragée. Désormais, elle avait confiance en sa force et avait l’intention d’en faire la démonstration. Ce combat n’était pas seulement un règlement de comptes entre elle et lui. Elle voulait aussi venger ses ancêtres qui avaient perdu la vie sur les terres du Connaught.
Du coin de l’œil, elle vit Loeg revenir en courant de la forteresse, tous les garçons sur ses talons. Ils formèrent un demi-cercle pour les observer. Ranthor la contemplait avec tendresse et fierté. Scatach souriait. Puis Avana oublia tout ce qui se passait autour d’elle, multipliant les assauts. Elle était tellement enragée que le Connaughta ne réussissait pas à la frapper. En revanche, il était un expert dans l’art de parer les coups, si bien que, malgré sa fougue, elle n’avait pas encore réussi à l’atteindre. Les minutes s’écoulèrent… La fatigue la gagnait.
À chacun de ses cris, elle faisait ressortir toute la haine qui souillait son jeune cœur. Et Valmir commença à faiblir. Elle en profita pour frapper encore plus fort et plus vite. Elle était presque à bout de forces, mais elle n’en laissait rien paraître. Qu’elle ait le malheur de ralentir sa cadence et elle tomberait sous ses coups, humiliée une fois de plus. Non, elle refusait d’envisager cette éventualité, d’admettre la défaite.
Profitant d’une ouverture, elle se rua sur Valmir. Elle feignit de le viser à la tête et, alors qu’il levait son épée pour parer, elle le frappa entre les côtes. La lame tranchante d’Avana glissa sur sa peau et y ouvrit une large blessure. Il tomba à genoux. Il demeura ainsi un long moment, agenouillé devant elle. Finalement, ses jambes perdirent toute force et il s’étendit de tout son long. Avana retint son souffle. Le grand guerrier était tombé. Les secondes s’étirèrent, le temps parut s’arrêter. Elle n’entendait plus que le vent souffler dans la plaine…
Il bougea enfin. Lentement, il se retourna sur le dos. Avana s’agenouilla auprès de lui. Malgré le sang qui coulait abondamment de sa blessure, se mêlant à la boue qui recouvrait le sol, il lui sourit. D’un ton satisfait, Scatach ordonna aux garçons de rentrer. Avana demeura seule avec Valmir au milieu du brouillard. Son corps se mit à trembler, comme si la brume la caressait jusqu’au tréfonds de son être. Plongeant son regard dans celui de Valmir, elle se sentit complètement en paix avec lui et avec elle-même.
Elle ne comprenait pas les sentiments de haine et de fureur qui l’avaient poussée à se battre ainsi. Elle avait beau les rechercher, elle ne ressentait plus que de la satisfaction, la satisfaction d’avoir enfin découvert la puissance qui se cachait en elle. Valmir semblait lui aussi dans un état de paix intérieure, comme si cette défaite lui donnait maintenant le droit d’être plus… humain.
Alors que le soleil faisait poindre ses doux rayons entre les nuages, elle regarda Valmir dans les yeux et, pour un instant, parvint à lire dans son cœur. Ce fut ainsi qu’elle prit conscience que sa haine provenait des souffrances causées par les Ulates qui avaient massacré toute sa famille.
Elle l’aida à se relever, à se mettre en marche. Il était urgent de soigner sa blessure. Les douces notes d’une cornemuse résonnèrent. Avana dévisagea Valmir. À son expression, elle comprit qu’il les avait lui aussi entendues. Elle balaya la plaine du regard, cherchant la provenance de cette musique enchanteresse, et les vit. Des dizaines de guerriers rebroussaient chemin, s’enfonçant dans le brouillard magique où ils disparaissaient telles les ombres d’un autre monde, d’un autre temps. Le combat était fini…
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Bien à l’abri au cœur de la forêt, les Seigneurs Fomorés enveloppèrent Ess Enchenn dans un linceul et la placèrent au centre d’un cercle de menhirs. Jour et nuit, ils scandèrent d’obscures incantations, canalisant vers elle les forces des Ténèbres. La puissante sorcière faisait pénétrer ces énergies dans toutes les fibres de son corps, modifiant ainsi lentement son apparence.
Au matin du troisième jour, tandis que les premières lueurs du soleil coloraient le ciel, les Seigneurs Fomorés sortirent de leur longue transe. Ils observèrent attentivement le corps d’Ess Enchenn. Les minutes passèrent… Nul ne bougea ni ne parla pour ne pas disperser les forces en présence. Ils attendirent que les Ténèbres accomplissent leur travail.
Soudain, une main blanche et fine se fraya un chemin entre les plis du tissu souillé de sang. Suivirent une autre main, une tête, des épaules et une poitrine magnifique. La sorcière sortit de son linceul et se releva avec la grâce d’une jeune fille. Elle examina son corps d’un air satisfait. Elle avait l’apparence de Macha, la déesse de la fertilité.
– Je suis prête, déclara-t-elle, en leur adressant un sourire malicieux.
Ils la vêtirent d’une longue tunique violette et couvrirent ses épaules d’un manteau vert serti d’émeraudes.
– Je reviendrai avec, dans mes entrailles, l’enfant qui nous permettra de soumettre la terre d’Erin à notre domination ! promit-elle en quittant lentement la clairière.
Le soleil, au zénith, faisait briller les émeraudes de son manteau. Elle disparut dans les bois en sentant sur elle les regards des créatures de l’En-deçà. Quand les derniers éclats de ses pierres précieuses s’évanouirent, les Seigneurs Fomorés retournèrent dans les profondeurs des Ténèbres pour attendre la naissance de l’enfant.
En ce jour de l’équinoxe du printemps, Ess Enchenn, qui connaissait les lieux sacrés menant au royaume des Tuatha de Danann, le peuple des dieux, entreprit la traversée du lac Neagh… Elle avait déjà choisi sa proie : Lug, le dieu-Lumière.
Le grand Lug, dieu du soleil, de la lumière et du feu, était aussi le petit-fils de Balor, ancien Seigneur Fomoré. Alors que sa barque la portait sur les eaux limpides, la sorcière révisait son plan machiavélique. Le dieu-Lumière portait en lui l’empreinte des Ténèbres. Il engendrerait un enfant qui sera tiraillé entre l’Ombre et la Lumière…
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