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Citation de annielavigne


Flash-back…
Julien entra en scène : on passa du noir et blanc à la couleur, on alluma des projecteurs, on joua avec la musique au gré de nos humeurs. La vie devint un grand plateau de tournage...
Julien et moi nous étions rencontrés alors qu’il était en terminale et moi, en seconde. Toujours seul à la cantine du lycée, personne ne s’intéressait à lui (ou était-ce lui qui ne s’intéressait à personne ?...). Moi, je décelai derrière son apparence de garçon sage le poète anarchique qu’il était, anéanti par les strictes règles du collège privé qu’il avait fréquenté.
Nous devînmes vite inséparables ; moi, l’effrontée timide, et lui, le bourgeois révolté. Il était l’ami à qui je pouvais dire : « Est-ce que je peux dormir chez toi ce soir ? On lira des poèmes de Baudelaire et de Prévert. On s’endormira sur ton lit en se serrant bien fort pour oublier qu’on est presque déjà vieux et que le monde n’est pas aussi merveilleux qu’on nous l’a fait croire… »
Julien était un passionné. Je l’avais tout de suite su en découvrant la flamme qui brillait au fond de ses yeux bleus. Nous n’étions qu’amis, mais lorsqu’il me regardait avec ses petites lunettes rondes sur le bout du nez et ses cheveux blonds dont quelques mèches lui retombaient devant les yeux, je ressentais parfois une drôle de chaleur à la poitrine...
Doux, mais bouillonnant ; introverti, mais créatif. Lorsqu’il avait envie de hurler ses sentiments, de laisser déborder ce trop-plein d’émotion qu’il retenait, il émanait de lui une inoffensive violence, comme si quelques forces contraires se livraient un combat en son être. Il peignait des tableaux de la vie urbaine, la vie de Paname, notre Ville lumière, réconfortante et rassurante, cruelle et impersonnelle, belle comme ses statues, sale comme ses clochards…
Sa passion pour la vie me passionna.

Les poings fermés, le cœur en ébullition, l’esprit vagabond, nous traversâmes notre crise d’adolescence.
Nous deux, c’était à la vie, à la mort.
À la mort... Cette mort que nous aimions frôler pour nous prouver que nous étions bien vivants. Nous nous risquions parfois la nuit à escalader, par les échafaudages, des édifices en construction. Sur les toits, au sommet du monde, nos rires se perdaient dans le vent. La mort n’avait pas voulu de nous : la vie nous ouvrait grand les bras.
Nous avions soif d’absolu. Nous n’acceptions pas la réalité telle qu’elle était, alors nous rêvassions, pour survivre. Nous savions que nous risquions de passer de l’autre côté, du côté de la folie, comme tous ces poètes et chanteurs utopiques morts avant l’heure. Mais nous étions en quête d’un monde meilleur.
Nous imaginions une route. Une route rectiligne qui ferait le tour de la terre. Nous n’aurions qu’à marcher, sans regarder derrière, seulement les nuages dans le ciel. Et le monde entier nous appartiendrait.
Nous cherchions une route…
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