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Citation de annielavigne


Cinq heures du matin, quelque part dans la plaine hongroise...
J’étais à bord d’un long train silencieux, alourdi par le sommeil de ses passagers. Le paysage défilait devant mes yeux rougis par la fatigue et les larmes. Tout en écrivant ces dernières lignes, je jetais un œil sur la campagne subtilement éclairée par la lune.
J’étais là, j’étais seule, j’étais bien.
Ces larmes étaient des larmes de fatigue et de soulagement.
Ces larmes étaient des larmes de bonheur.
Malgré l’obscurité et l’apaisante fraîcheur de la nuit, je ne trouvais pas le sommeil. Je ne voulais pas dormir.
Je voulais sentir en moi cette nuit qui s’achevait ; regarder les étoiles faiblir devant cette source de lumière encore minime qui pointait à l’horizon ; soupirer de bonheur devant l’astre du matin s’étirant de tous ses feux…
Je voulais sentir l’aube de ma renaissance.
Nous nous rapprochions de la frontière hongro-roumaine. J’avais les mains moites : les contrôles, de tout genre, m’inquiétaient. Je m’imaginais accusée d’un crime que je n’avais pas commis, traînée de force par des gardes armés et jetée dans un cachot sombre et nauséabond en attendant ma sentence...
Je me faisais du cinéma. Je me faisais sans cesse du cinéma. Au lieu de chercher des sensations fortes en écoutant des films réalisés par des gens qui avaient déjà tout vécu, je vivais ma propre vie comme un long métrage.
Faire du cinéma ou jouer de la musique, partir à l’aventure en Thaïlande ou au Yukon, l’important était de ne pas se laisser avaler par le système, de ne pas laisser la société voler l’essence de notre jeunesse.
On pouvait très bien passer notre vie à parcourir les routes de l’Amérique si c’était ce qui nous permettait de survivre ; de toute façon, il n’y avait plus rien à faire nulle part. Toutes les révolutions avaient été faites, les grandes idées, pensées. Les inventions géniales étaient déjà toutes brevetées : la voiture autonome, le casque sans fil, la tablette et le téléphone portables, qui faisaient maintenant autant partie de nous que nos propres mains, dans lesquelles ils sont toujours incrustés.
Ce n’était pas facile d’arriver après des milliers d’années d’évolution. Impossible de se prendre pour la dernière merveille du genre humain, il y en avait eu tant d’autres avant nous. À nous, la génération de la réalité virtuelle, il ne nous restait plus qu’à vivre notre vie comme un grand film. Car à dix-sept ans, tout était possible, ce n’était qu’une question d’imagination...
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