Pour donner quelque ordre à ce discours, je commencerai par expliquer ces mots, liberté de penser, par lesquels j'entends l'usage qu'il est permis de faire de son esprit, pour tâcher de découvrir le sens de quelque proposition qui puisse être, en pesant l'évidence des raisons qui l'appuient ou qui la combattent, afin d'emporter son jugement, selon qu'elles paraissent avoir plus ou moins de force.
La première raison qui appuie le droit de cette liberté de penser sur quelque proposition que ce soit, est fondée sur le droit même que nous avons de connaître la vérité ; or y a-t-il quelques vérités à la connaissance desquelles nous n'ayons droit et qu'il ne nous soit permis de rechercher ? Puisque la connaissance de quelques-unes nous est ordonnée de Dieu même, et que pour le bien de la société civile il est nécessaire de savoir les autres ; outre qu'il n'y en a aucune que la loi divine nous oblige d'ignorer, ou dont la connaissance nous puisse être : si donc il n'y a point de vérités que nous ne soyons en droit de savoir, qui ne voit évidemment qu'il n'y en a point non plus sur laquelle il ne nous soit libre de penser, ou, pour me servir de ma propre définition ; de faire usage de notre esprit, pour tâcher de découvrir le sens de quelque proposition que ce puisse être, en pesant l'évidence des raisons qui l'appuient, ou qui la combattent, afin d'en porter notre jugement, selon qu'elles nous paraissent avoir plus ou moins de force.
Il ne s'agit plus ici du droit que nous avons de faire un libre usage de nos pensées, ce droit ayant été mis ci-dessus dans tout son jour, mais il faut à présent examiner l'obligation indispensable où nous sommes de nous servir de cette liberté de penser à l'égard de certains sujets.