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4.21/5 (sur 12 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Lorient
Biographie :

Antoine Laurent, officier de la marine marchande, s’est engagé de 2016 à 2018 sur l’Aquarius, d’abord en tant que sauveteur en mer puis chargé des opérations maritimes. Cette expérience le bouleverse et le pousse à s’engager en politique. Diplômé de Sciences-Po, il est aujourd’hui un proche conseiller de Matthieu Orphelin, député écologiste.

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Bibliographie de Antoine Laurent (II)   (1)Voir plus

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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Le paysage industriel qui tapisse l'horizon me plonge dans une brève mélancolie. Je pense qu'à force de profiter des facilités qu'offre le commerce mondial, nous oublions l'origine des biens que nous consommons. Nous perdons le lien entre nos besoins élémentaires et les efforts qu'il faut entreprendre pour les assouvir, notamment les sacrifices de la nature et de certains hommes. Nous avons perdu la valeur réelle de la plupart des produits que nous consommons. Toutes les fois où je contemplais ces cheminées scintillantes du Havre où j'avais fit mes études, que je marchais au milieu des tours de conteneurs à Hambourg pendant une escale, que je louvoyais entre les plateformes pétrolières au large de la Norvège, que je travaillais dans des chantiers colossaux en Chine, que je croisais tous ces navires à Singapour, ou que je survolais des forêts de palmiers en Indonésie, c'était comme une piqure de rappel: le confort dont nous jouissons est le fruit d'un lourd processus industriel invisible, aux conséquences sociales et environnementales largement mésestimées (si ce n'est totalement négligées). Ce confort, nous l'héritons d'habitudes et de jeux de domination anciens, nous permettant encore aujourd'hui d'exploiter aveuglément certains peuples et d'épuiser la nature.
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Les événements de 2015-2016 ont exacerbé ce manque de solidarité envers les exilés. Ils ont révélé le mépris que nous avons pour notre propre passé, c'est à dire notre incapacité à nous imaginer à la place de ces êtres en quête d'un refuge, alors que nous mêmes sommes les enfants d'un siècle de guerres et de mobilité forcée. La classe politique n'a fait qu'alimenter cette aversion, tétanisée qu'elle était à l'idée que ces flux migratoires puissent accélérer la montée de l'extrême droite, pourtant déjà largement amorcée pour des raisons qu'il conviendrait de chercher au sein de notre société, et non le long de nos frontières.
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Si l'accueil de cinq jeunes Tunisiens est perçu comme un risque majeur pour une Europe prétendument grande, alors il me semble urgent d'agir. Puisque ce ne sont pas des migrants que l'Europe doit avoir peur, mais d'elle même, de la petitesse de sa supposée grandeur protectrice et de son retard dans les batailles du temps présent. Les innombrables injustices qui criblent nos sociétés sont à la source de bien des maux, de biens des craintes, de bien des drames. Elles gangrènent notre territoire et s'étendent au delà des frontières. Tant que l'injustice ne sera pas l'ultime ennemi de nos combats communs, toujours la paix restera fragile. Car oui, de fait, quelle forme d'injustice n'est pas source de colère? Et quel genre de paix résiste au poids de la colère?
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Marc qui raconte comment un homme qu'il tenait à bout de bras a glissé entre ses doigts et s'est noyé sous son canot, m'avoue la gorge nouée et le regard évasif: " J'avais des doutes auparavant, surtout après deux mois en mer où les rares opérations que nous faisions étaient presque faciles. Mais depuis ce 17 avril, même si j'ai du mal à dormir et que je crains mon retour à terre, au moins j'ai saisi tout le sens de notre action."
C'est modestement dit. Il ne me faudra pas longtemps pour faire mienne cette conviction, au point d'écrire un livre: ce qu'on vu et saisi les équipes de l'Aquarius doit être su et surtout compris, sans quoi tout plaidoyer pour plus de solidarité sera vain.
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L'ensemble des occupants de l'Aquarius, aux origines et aux histoires d'une diversité rare pour un si petit espace, partagent l'émotion de ce couple tout droit sorti de l'enfer. Le capitaine descend à la clinique féliciter la famille et voir par lui-même le fruit de cet exploit collectif. Les traits du Biélorusse, pourtant réputé imperturbable, trahissent son émotion - la joie qui s'est propagée plus tôt sur tout le bateau est contagieuse ! Conservant malgré tout sa rigueur naturelle, et pour meubler cette conversation qui le rend mal à l'aise, il demande à la mère comment elle souhaite nommer son bébé, afin de préparer son certificat de naissance comme l'exige le droit du pavillon, en l'occurrence celui de Gibraltar. A sa grande surprise, la femme lui renvoie la question en lui demandant son prénom. "Alexander, mais vous pouvez m'appeler Alex." Elle lance un coup d'oeil à son mari, comme pour lui demander son consentement tacite, et conclut fièrement : "Alors il s'appellera Alex." Le capitaine baisse la tête, gêné, se retenant d'une main crispée à la table, les yeux fermés pour faire barrage aux larmes.
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Les voici confrontés à ce qu'ils espèrent et attendent depuis des jours, des semaines, des années, voire depuis toute leur vie. Cet idéal européen, ou plutôt ce rêve de paix et de sérénité que l'Europe incarne dans l'imaginaire de tous, le voici devant eux, à quelques encablures. Les pires obstacles qu'eux-mêmes n'auraient pu prévoir semblent maintenant derrière eux. En cette matinée de mai, je comprends ce que ces deux jours à bord de l'Aquarius ont pu représenter pour eux : un éclair de liberté coincé entre deux pans de leur vie, que ronge l'angoisse d'être rattrapé par la douleur et le désespoir. Ces quelques heures de sursis en Méditerranée ont régénéré en eux l'humanité que la Libye leur avait dérobé de force. Une zone tampon entre un lourd passé, qu'ils commencent à peine à digérer, et un avenir inconnu dont les premiers contours de dessinent à l'horizon. Chacune des personnes qui m'entourent porte en elle une histoire unique, des souvenirs qu'elle gardera probablement enfouis, par honte ou dégoût. Ce qui fait tenir le battement de leurs coeurs, ce sont les souvenirs de leurs proches, déjà anciens, s'érodant comme peau de chagrin au rythme lent de l'exil impossible. Tous ces sacrifices et toutes ces peines ne sont endurés qu'au nom d'un principe qu'aucune barbarie ne pourra détruire : la fraternité.
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L'humanitaire restera pour moi une expérience incroyablement riche et édifiante. J'y ai découvert pêle-mêle la détresse humaine à l'état brut, l'altruisme, la tyrannie du pragmatisme, la force du courage et de l'espoir ainsi que la puissance de la solidarité. Néanmoins, malgré les occasions qui s'offraient à moi dans ce milieu infiniment respectable, je ne pouvais imaginer passer ma vie au chevet des inombrables victimes que génère sans scrupule notre monde impitoyable. La seule satisfaction que l'on peut prétendre y trouver est une reconnaissance sociale et personnelle pour avoir tenté de limiter des drames humains, sans jamais pouvoir espérer y remédier.
L'humanitaire est un engagement des plus nobles qui coûte d'onéreux sacrifices sociaux et psychologiques à ceux qui y consacrent leur carrière, ou même un modeste pan de leur vie. Mais si ma volonté première est bien d'exploiter au mieux mes capacités au profit du bien commun, ne pourrais-je pas faire la différence en infiltrant les rangs de nos décideurs plutôt qu'en me battant aux côtés de ceux qui subissent et observent ?
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C'est dire la difficulté rencontrée à partager ses émotions avec des proches. Ce moment est aussi révélateur de la difficulté de la difficulté de convaincre ceux qui ne vivent pas les drames mais qui ne font que les entendre, du moins quand ils ont la sagesse d'écouter et de ne pas en nier les réalités. Certaines personnes curieuses et sensibles peuvent au mieux s'indigner, ce qui les pousse parfois à s'engager ou à protester, mais aucune d'entre elles ne peut ressentir la colère, la tristesse, la rancoeur ou la détresse de ceux qui sont directement confrontés à ce cauchemar. Pendant que les "terriens ordinaires" assimilent cette mer aux plages dorées, aux ports charmants et aux calanques, sans parvenir à la croire cruelle, là-bas, au large, derrière l'horizon, au-delà de leur imaginaire, où se déroule l'impensable.
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Les regards, les sourires, le courage, les récits, les blessures, les larmes et les cris de ces femmes, de ces hommes, de ces enfants marqués à jamais par l'exil où la détresse les a menés. L'amitié, auréolée d'humilité, de mes équipiers, réunis par une colère commune autour d'une lutte pour la dignité. L'énergie puissante qu'ont exprimée sans modération les soutiens aux actes solidaires, ces garants des valeurs humanistes. Ces deux années de ma vie ont été un concentré d'humanité, elles resteront ancrées dans ma conscience et guideront chacun de mes choix à l'avenir, quels qu'ils soient, où qu'ils mènent.
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Pendant que nous moquons le candidat Trump et son projet de mur le long de la frontière mexicaine, et alors que nous accusons solennellement le gouvernement hongrois d'atteinte aux droits les plus élémentaires, nous, fiers Européens, acceptons sans émoi le renforcement du mur le plus cruel d'entre tous : la mer Méditerranée. Tant pis si cette dernière rougit de sang, tant qu'il ne vient pas des veines de nos propres enfants, tant qu'il n'entache pas la transparence des eaux ravissantes des criques corses ou azuréennes.
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