Aurélie, librairie à Sauramps Comédie vous fait partager son coup de coeur du jour : "La bête qui mangeait le monde" d'Antoine Nochy.
Découvrez sans tarder une ode à la nature sous toutes ses formes, à la relation entre l'homme et son environnement avec les animaux; mais pas uniquement ...
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Cette nuit, le son n’est pas modulé et il se prolonge sur douze secondes pendant lesquelles nous restons immobiles. Et ces douze secondes s’étirent, j’essaye de les retenir au maximum, le sommeil m’a quitté et la forêt est de nouveau plongée dans le silence. Nous échangeons un regard avec Jean-Jacques, les entendre est plus impressionnant encore que de les voir lorsqu’on sait qu’ils sont si près. Il se passe cinq secondes de silence puis le son reprend, toujours aussi monocorde. Ça commence par une plainte puissante qui monte, s’essouffle et retombe. Je n’y crois sincèrement que lorsque je l’entends. Dès qu’il finit je doute, la certitude se perd à mesure que le son s’éloigne.
Comme dans la fable du lion d'Esope, les animaux entrent dans la grotte, mais aucun n'en ressort et j'ai l'intime conviction que cette pièce manquante reste la clé pour déterminer leur zone de tanière. Une solution pour répondre à cette question, élargir le périmètre. Au-dessus de la rivière se trouvent ce qu'on appelle les zones off road, des kilomètres de forêts où plus personne ne s'aventure. Est-ce que les loups n'auraient pas investi ces champs d'arbres ? Est-ce qu'ils ne pourraient pas utiliser cette forêt comme point de sortie et de retour lorsqu'ils passent par les berges ? Il n'y a qu'en y allant que je pourrai en avoir le coeur net, une marche en terrain miné est programmée pour l'après-midi.
Fabriquer un piège à trace et à odeur, c'est raconter une histoire aux gens de la forêt, c'est faire croire pour un temps qu'on est des animaux. Chez les Inuits, on se revêt d'une peau de loup pour chasser car le gibier a moins peur de Canis Lupus que des hommes. La ruse d'Homo sapiens est ancestrale, elle fait aprtie des différents moyens de pistage mis en place par nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. Il faut faire vite, ne pas perdre de temps, et ne pas se balader sur la zone de piège plus de dix minutes, sans cela les odeurs se répandent. L'action doit être furtive. On doit savoir à l'avance où on va poser la caméra et faire le piège.
Sommes-nous devenus une allégorie du criquet pèlerin pris dans une fuite en avant vers la dévoration du monde ? […] nous sommes devenus la bête qui mangeait le monde et nous avons aujourd’hui le paysage que nous mangeons. (p. 200-201)
Le magique est partout et ce n’est pas une pensée qui nous pousse hors de la réalité. Elle nous permettrait plutôt d’y entrer selon d’autres critères pour faire exister des vérités qui résistent à notre logique. (p. 12)
Les animaux se parlent sans se voir. Les odeurs fabriquent le monde dans lequel ils vivent, un monde sans angle ni direction définitive mais où tout est dynamique et changement. (p. 235)