TROFIMOV. [...] L'immense majorité de l'intelligentsia, telle que je la connais, ne cherche rien, ne fait rien et reste pour l’instant inapte à tout travail. Ils disent qu'ils font partie de l'intelligentsia, et ils tutoient leurs domestiques, ils traitent leurs moujiks comme du bétail ; ils négligent leurs études, ne lisent à peu près rien de sérieux, restent à se tourner les pouces, ne font de la science qu'en parlottes, n'entendent rien à l'art. Il sont sérieux, ils ont des visages graves, ne parlent que de sujets très graves, ils philosophent, et pourtant, sous leurs yeux, les ouvriers mangent des choses infectes, dorment sans oreiller, à trente, quarante dans la même chambre - partout les poux, la puanteur, l'humidité, la souillure morale... C'est évident, toutes ces grandes discussions ne servent qu'à une seule chose : s'aveugler soi-même et aveugler les autres.
Acte II
Traduction d'André Marcowicz et Françoise Morvan