La Lumière des yeux
Durch unsre offnen Augen fliesst das Licht ins Herz
Und strömt als Freude sanft zurück aus ihnen.
Im Liebesblick quillt mehr herauf als je herabgedrungen.
Was ist geschehen, wenn das Auge strahlt?
Sehr Wunderbares muss es uns verraten:
Dass eines Menschen Innerstes zum Himmel ward
Mit soviel Sternen als die Nacht erhellen,
Mit einer Sonne, die den Tag den erweckt.
O Meer des Blickes mit der Tränenbrandung
Die Tropfen, welche sie versprüht auf Wimpernhalme,
Vom Herzen und der Sonne werden sie beschienen.
Wenn sich die Nacht der Lider über deine Tiefen
Still niedersenkt, dann spülen deine Wasser
An die des Todes: deiner Tiefen Schätze
Die tagerworbnen, nimmt er sacht mit sich.
Jedoch aus seinen unergründlich dunklen Tiefen,
Wenn mit den Lidern sich der Tag erhebt,
Ist manches seiner Wunder in den Blick, den neuen,
Heraufgeschwommen, und es macht ihn gut.
Texte d’Hildegard Jone (1891-1963)
Par nos yeux ouverts, la lumière s’écoule
Dans le cœur et revient doucement, flot de joie.
Ce que le regard d’amour a reçu, il le reverse au centuple.
Qu’est-il arrivé, lorsque l’œil rayonne ?
Il a de rares merveilles à nous révéler :
Que l’intérieur d’un homme est devenu ciel,
Avec autant d’astres qu’il en est dans la nuit,
Et un soleil qui suscite le jour.
Ô mer du regard et ton ressac de larmes,
Les gouttes dispersées sur les cils, ces fétus,
Le cœur et le soleil les illuminent.
Lorsque descend sur toi, silencieuse,
La nuit des paupières, tes eaux se mêlent
À celles de la mort : emportant doucement les trésors
De tes profondeurs, recueillis dans ce jour.
Pourtant, lorsqu’avec les paupières le jour se lève
De ses insondables et obscures profondeurs,
Nombre de ses prodiges ont passé dans le regard,
Neuf, et lui ont donné la bonté.
« Das Augenlicht » (La lumière des yeux) d’Anton Webern — première partie d’une trilogie, qui se poursuit avec les cantates op. 29 et 31 — est une oeuvre vocale majeure du début de la dernière décennie de sa vie.
Dans une lettre du 7 février 1935, juste après avoir terminé l’orchestration en « Klangfarbenmelodie » (mélodie de timbres) de la « Fuga Ricercata » de Bach, Anton Webern écrit à Hildegard Jone (une poète et peintre dont il avait fait la connaissance en 1926 — sa poésie pleine de mysticisme panthéiste avait déjà inspiré au compositeur ses Lieder op. 23 et 25) :
"[...] Du fragst mich, was ich jetzt in meiner Arbeit vorhabe : ursprünglich, glaube ich, ein Orchesterwerk ; aber es beschäftigt mich auch und zunächst mehr als dieses, ein Chorwerk mit Orchester zu schreiben, nach einem Text von Dir ! Aber ich konnte diesen noch nicht finden. Ich bin alles, was ich von Dir besitze, daraufhin durchgegangen. Zu beschreiben, was mir vorschwebt, ist nicht möglich. Ist der Text da, dann weiss ich es... Wenn ich Deine neuen Arbeiten sehen könnte !... Es ist mir nur so dringend, denn ich möchte mich, muss mich gleich an die Arbeit machen [...]".
"Tu me demandes ce que j’envisage maintenant dans mon travail : à l’origine, je crois, une œuvre pour orchestre ; mais il m’occupe aussi et d’abord plus que cela d’écrire une œuvre chorale avec orchestre, sur un texte de toi ! Mais je n’ai pas encore trouvé ce texte. J’ai donc passé en revue tout ce que je possède de toi. Décrire ce que j’ai en tête n’est pas possible. Si le texte est là, alors je le sais... Si je pouvais voir tes nouveaux travaux !... C’est tellement urgent pour moi, car je veux, je dois me mettre tout de suite au travail."
Peu de temps plus tard, il trouve le texte qui lui convient : "[...] Ich habe schon gefunden, was ich suchte : « Das Augenlicht » aus « Viae inviae » und bin schon an der Arbeit [...]" ("J’ai déjà trouvé ce que je cherchais : "La lumière des yeux" de "Viae inviae" et je suis déjà au travail."), lettre à Hildegard Jone du 24 février.
Le début de la composition de l’oeuvre est daté du 19 février 1935 (page 22 de son « Skizzenbuch IV »). Le 14 juin il écrit à Hildegard Jone : "[...] Allmählich wird’s schon leichter : ein bisschen kann ich schon wieder zu meiner Arbeit schauen. [...]" ("Petit à petit, cela devient plus facile : je peux déjà regarder un peu mon travail.") D’après son « Skizzenbuch », page 42, il termine la première esquisse de l’oeuvre le 13 septembre, un jour très particulier pour lui, car c’était l’anniversaire de Schoenberg.
Le 17 septembre il écrit à Hildegard Jone : "[...] Das « Augenlicht » ist fertig. Jetzt schreibe ich die Partitur ins Reine. Wie gerne möchte ich Euch bald zeigen, was da geworden ist. [...]" ("La "lumière des yeux" est terminée. Maintenant, j’écris la partition au propre. J’aimerais bien vous montrer bientôt ce que c’est devenu.").
Anton Webern dédicaça son oeuvre à sa fille Amalie Waller, pour son mariage.
Ces détails et citations proviennent de « Anton von Webern - Chronik seines Lebens und Werkes », Hans et Rosaleen Moldenhauer, 1980, Atlantis, pages 436 et suivantes.
« Das Augenlicht » fut donné en première audition le 17 juin 1938 — lors d’un concert de la Société internationale pour la musique contemporaine — au Queens Hall de Londres avec les choeurs et l’Orchestre de la BBC sous la direction de Hermann Scherchen (effectif : choeur mixte, flûte, hautbois, clarinette, saxophone alto, cor, trompette, trombone ténor-basse, 2 percussions, célesta, harpe, mandoline, 8 violons, 4 altos, 4 violoncelles).
Quelques détails sur l’oeuvre : "[...] L’orchestre constitue l’un des ensembles les plus importants de l’oeuvre webernien depuis les Six pièces pour orchestre, op 6 de 1909. C’est la première fois que le compositeur utilise la mandoline que l’on retrouvera également dans la Première Cantate. Cuivres et cordes sont traités avec sourdine, vents et percussion en solistes, et l’écriture chorale est alternativement contrapuntique et harmonique. « Das Augenlicht, à l’audition, se révèle plein d’harmonie poétique. Voix et instruments, souvent très éloignés les uns des autres, opposent leurs plans sonores. La partition semble s’enrichir de ces mystérieuses vibrations que lui confèrerait une exécution sous une cloche de verre » (L. Dallapiccola, cité par H.-L. Matter in Webern, 1938).[...]" Cf. Mon musée musical (traduction A.G./DeepL Translate).
Je pense développer tout d’abord mon plan. Comme cela a commencé très tard - à l’origine la durée prévue était de trois mois - nous allons donc nous voir huit fois.
Je pense que parmi vous de nombreuses personnes ne sont pas des musiciens de métier et qu’il me faut pour ainsi dire m’adresser à elles comme à des profanes. J’aimerais par conséquent en tenir compte, au risque d’ennuyer ceux qui sont « plus cultivés » - je ne peux rien faire là contre. Mais peut-être ces derniers seront-ils également intéressés.
J’aimerais opter pour un point de vue aussi général que possible et partir de la considération suivante : quel sens peut-il y avoir pour un profane (je suppose bien entendu que le musicien sait déjà tout cela) - quelle valeur peut-il y avoir pour ceux qui ne sont pas des musiciens de métier, des profanes donc, à connaître des disciplines qui vont de soi pour le musicien ?