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Citation de Aproposdelivres


C’est à bord d’un paquebot français que nous avons embarqué, avec mille autres passagers, à destination de Paris bientôt illuminée de millions de lumières.
Le Touraine, par un hasard curieux, est le dernier vaisseau de la Compagnie générale transatlantique à être encore gréé. Ajoutées à la vapeur, ses voiles jettent leurs ombres rondes sur le pont métallique. Le coton des toiles, alors que nous voguons vers la plus grande Exposition universelle jamais imaginée, fait figure de vieille tradition, d’hommage à une ancienne marine et un ancien temps. Le blanc coton de notre Sud, richesse des empires, sur lequel roule le panache noir des cheminées à charbon. Le bruit du vent est couvert par le sifflement de la chaudière. Mais aussi différentes que soient les forces propulsant le Touraine, elles nous mènent ensemble. L’étrave du navire, sans faiblir, tranche les vagues de l’Atlantique.
Un vieil oncle – rude pionnier d’une époque disparue – avait coutume de me raconter l’héroïque conquête du continent américain. Il concluait ses récits, un sourire aux lèvres, par cette phrase devenue formule magique pour l’enfant que j’étais : « L’Amérique ne connaît qu’une seule direction, l’ouest ». Pourtant, durant les six prochains mois, les boussoles de la planète ne connaîtront plus qu’un pôle, un nord éphémère et brillant : Paris.
Cette traversée vers l’Europe, pour nous, citoyens de la jeune nation américaine, est un voyage vers les origines. De telles idées – ou peut-être les voiles du navire ? – font naître à bord un sentiment surprenant, en route vers cette gigantesque exhibition de nouvelles technologies : la nostalgie. Particulière émotion, attachée à un objet qui lui échappe, le passé déjà consumé. Si la mémoire était une pomme, la nostalgie serait le ver qui s’en nourrit et dévore sa demeure.
L’évidence est là : en célébrant un siècle neuf, nous refermerons la porte de celui dans lequel nous sommes nés. Une menace plane sur nos souvenirs : le progrès, dans son empressement, balayera-t-il notre mémoire ? Parmi les passagers du Touraine, tout le monde ne s’encombre pas de tels doutes.
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