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Citation de VincentGloeckler


Paradoxalement, ce n’est pas à Tamatave, sur la côte, que j’ai la sensation de vivre sur une île. J’y ai plutôt l’impression d’être sur n’importe quel littoral continental, avec un port pour en partir. C’est toujours quand je m’enfonce dans les terres rouges et vertes de Mada que me revient cette impression d’isolement insulaire. À Mada, plus il y a de terres autour de moi, plus je me sens sur une île coupée du reste du monde et plus l’impression est forte que sur la Grande Île tout est connecté. Qu’ici l’effet papillon est réel, magiquement réel. Que Mada est un seul organisme géant. Qu’une politesse faite à un voisin dans le nord de l’île a un effet sur la vie des villageois d’un coin paumé du Sud. Que le sang d’un vasah tué à coups de machette chez lui par des cambrioleurs coule sur les volontaires d’une petite ONG ailleurs dans le pays. Que la transpiration d’un touriste bedonnant, en train de baiser une mineure sur une île paradisiaque de Nosy Be, coule froide sur la nuque du vasah qu’on assassine. Que les chants de cette procession funéraire – que je croise sur ma route – suivant un cercueil dans une Peugeot plus vieille que l’indépendance font rayonner sur tout Madagascar la sagesse d’accepter la part de mort que contient la vie. La part de danger de tout voyage.
Mais je n’entends pas vraiment les chants. La procession disparaît dans mon rétroviseur moucheté de boue brune. Je suis en boucle. Quelques mots qui tournent et tournent dans ma tête.
Le temps. Inutile. Folie. Mes enfants. Ce qu’il reste de ma vie.
(pp.52-53)
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