La piste du vieil homme

Une belle prouesse, ce nouveau roman d'Antonin Varenne, qui réussit à tisser dans sa trame les fils croisés d'un chant d'amour paradoxal à Madagascar - la vieille Mada, misérable et détraquée, rongée par l'extrême pauvreté, la corruption et les trafics, malade de ses excès, mais en même temps, riche de sa nature exubérante, du rouge de sa terre et du vert de ses forêts, et séduisante de son joyeux bordel – et la quête sentimentale d'un vieil homme aux prises avec son passé, ce Simon sur les traces duquel nous sommes amenés à traverser l'île. Et on l'accompagne d'autant plus volontiers dans ce voyage que l'on retrouve ici tout l'humour et la saveur d'un auteur que l'on apprécie depuis longtemps, le gai savoir aussi qu'il distille à travers les réflexions de ses principaux personnages, comme ici, Simon, Guillaume ou la soeur Françoise.
Simon, à soixante-dix ans, a quitté la France et ses enfants depuis bien longtemps, pour s'exiler à Madagascar, où, après quelques autres entreprises hasardeuses, il gère Mad'Aventure, une petite affaire de tourisme, avec Patrick, un vieil ami. Un jour, pourtant, un message de sa fille Charlotte l'avertit que son fils, Guillaume, dont il avait perdu la trace, est lui-même sur la Grande Île, et qu'il a des ennuis. le message est sans chaleur, ni ambigüité, qui rappelle le père à ses devoirs, admonestation d'une fille qui lui reproche de ne jamais avoir aimé ses enfants… Commence alors pour le vieil homme un incroyable voyage à travers Madagascar à la recherche de son fils. A bord d'un Buggy léger monté sur un châssis de Coccinelle, ce bricoleur de génie va affronter les pistes les plus défoncées, mais aussi quelques individus redoutables, dealers auxquels son fils a emprunté de l'argent ou voleurs de zébus, dans une sorte de jeu de l'oie particulièrement retors à travers le pays malgache. Heureusement pour lui, il sera aussi aidé dans cette aventure par la rencontre d'une vieille bonne soeur, une Françoise qui l'amènerait presque à se reconvertir, ou, tout au moins, à regretter qu'elle ne soit pas, justement, sa soeur, et celle de quelques autres personnages, comme André, l'instituteur de brousse au grand coeur. Au terme de ce parcours plein d'embûches, l'incertitude de retrouver Guillaume, et quel Guillaume ?, ce fils qu'il connaît si mal et dont il ne sait comment il l'accueillera…
Embarqué avec Simon dans cette aventure, on a du mal à descendre du Buggy, même quand il tombe en morceaux, tant on se plaît à partager les émotions du vieil homme, son regard sur le monde baroque d'une Mada dévastée mais tenace, ses réflexions sur la vieillesse et les moyens d'y résister, sa tranquille mélancolie et ses anxiétés paternelles, sa quête infinie d'amour. Allez, montez, on vous fait une petite place à l'arrière de cet improbable véhicule, sur la piste du vieil homme, vous n'allez pas regretter le voyage !

Un roman d'Antonin Varenne, je l'attends toujours avec beaucoup d'impatience. Ce qui est impressionnant avec Antonin c'est sa faculté à traiter n'importe quel sujet, que cela soit de la littérature dite "générale" comme du roman noir. C'est bien là qu'on reconnait le talent non ?
Cette fois-ci, l'auteur nous traine sur la piste du vieil homme, une piste qui s'enfonce dans la brousse de Madagascar.
C'est justement un vieil homme qui part sur cette piste afin de retrouver son fils dont personne n'a de nouvelles depuis six mois. Il est inquiet mais il veut aussi tenter de parler à ce "pas un très bon fils" car il "n'a pas été un très bon père". Mais cet homme ne reculera devant rien ni personne pour aider son fils.
Ce superbe texte sert aussi de terrain pour une découverte de l'île, son paysage, son relief, les difficultés de circulation. Mais aussi la culture, la langue, toutes ces "couleurs locales" mélange d'origines ethniques, de reste de colonialisme, la pauvreté qu'on a, ici en France, bien du mal à imaginer.
On découvre des religieuses et des hommes qui manquent de ressources pour aider la population dans un pays où l'instruction, l'éducation, font peur au gouvernement car un peuple instruit est un peuple qui se soulèvera contre ceux qui les dirigent et, parfois, les contraignent par la peur. Quand les petits malfrats se prennent pour des caïds de Medellin, ils jouent de la Kalashnikov comme de la machette et n'hésitent pas à dépouiller les vazahas.
Pour avoir discuté de ce roman avec un de mes collègues, malgache, c'est encore pire que décrit ici et cela donne, pour moi, encore plus de poids à ce roman.
C'est à lire absolument dans la collection La Noire de Gallimard.

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