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Citation de Cielvariable


— Maman ? appela-t-elle en hésitant. Papa ?
Elle appuya la guitare contre un arbre et s’attaqua au nœud dans l’écharpe qu’elle avait nouée autour de son poignet. Elle ferait mieux de dissimuler les pétales avant que ses parents ne la voient.
La longue bande de soie refusa de se dénouer de sur son poignet, et elle perçut un autre bruissement, plus fort que le premier. Ses yeux se braquèrent droit sur l’endroit d’où provenait le son, juste au-dessus de son épaule gauche.
— Allô ?
Avec précaution, Laurel plia les doux pétales vers le bas et les enroula autour de sa taille. Elle était sur le point de les attacher avec l’écharpe quand une silhouette masculine trébucha en sortant de derrière un arbre comme si elle avait été poussée. Le garçon lança un regard noir à l’arbre une toute petite seconde avant de tourner son visage vers Laurel. Son agitation s’évanouit et une chaleur inattendue envahit ses yeux.
— Salut, dit-il en souriant.
Laurel haleta et tenta de reculer, mais elle se prit le talon dans une racine et tomba, lâchant les pétales pour se retenir.
Il était trop tard pour cacher quoi que ce soit : ils bondirent à l’air libre.
— Non, ne fais pas… Oh, mon doux. Je suis désolé. Puis-je t’aider ? lui demanda l’étranger.
Laurel leva la tête et vit des yeux vert foncé presque trop éclatants pour être réels. Le visage d’un jeune homme la scrutait alors qu’elle était allongée de tout son long sur le sol.
Il tendit la main.
— Je suis vraiment désolé. Nous… J’ai fait du bruit. J’ai cru que tu m’avais entendu.
Il sourit d’un air penaud.
— J’imagine que j’avais tort.
Son visage ressemblait à une peinture classique – des pommettes nettement définies sous une peau douce et bronzée qui aurait paru plus à sa place sur une plage de Los Angeles que dans cette fraîche forêt tapissée de mousse. Ses cheveux étaient épais et noirs, assortis aux sourcils et aux cils encadrant ses yeux inquiets. Ses cheveux étaient plutôt longs et humides, comme si le garçon n’était pas rentré à l’intérieur quand il avait plu, et que d’une façon ou d’une autre, il avait réussi à teindre seulement leurs racines de la même couleur vert vif que ses yeux. Il avait un sourire doux et gentil qui poussa Laurel à retenir son souffle. Elle mit quelques secondes à retrouver sa voix.
— Qui es-tu ?
Il marqua une pause et l’observa d’un regard étrange et stoïque.
— Eh bien ? le pressa Laurel.
— Tu ne me connais pas, n’est-ce pas ? lui demanda-t-il.
Elle fut lente à répondre. Elle avait l’impression de le connaître. Il y avait un souvenir, juste sous la surface de son esprit, mais plus elle tentait de s’en emparer, plus il lui échappait.
— Le devrais-je ?
Sa voix était prudente.
Le regard inquisiteur disparut aussi vite qu’il était venu.
L’étranger rit doucement – presque tristement –, et sa voix résonna sur les arbres, ressemblant davantage à celle d’un oiseau que d’un humain.
— Je suis Tamani, déclara-t-il, tendant toujours la main pour l’aider à se relever. Tu peux m’appeler Tam, si tu veux.
Soudainement consciente de se trouver encore allongée sur le sol humide où elle était tombée, Laurel sentit la rougeur de l’embarras l’envahir. Elle ignora sa main et se poussa sur ses pieds, oubliant de retenir ses pétales. Avec une brusque inspiration, elle tira vivement son chandail vers le bas, grimaçant quand la fleur s’écrasa contre sa peau.
— Ne t’inquiète pas, déclara-t-il. Je vais garder mes distances avec ta fleur.
Il sourit largement, et elle sentit qu’elle passait à côté d’une blague pour initiée.
— Je sais dans quels pétales je peux m’emmêler et ceux de qui je dois éviter.
Il respira profondément.
— Hummmm. Et aussi fabuleuse que soit ton odeur, je sais que tes pétales me sont interdits.
Il arqua un sourcil.
— Du moins pour le moment.
Il leva une main vers son visage, et Laurel fut incapable de bouger. Il enleva doucement quelques feuilles dans ses cheveux et parcourut rapidement sa silhouette du regard.
— Tu sembles intacte. Pas de pétales ni de tiges brisés.
— De quoi parles-tu ? s’enquit-elle en essayant de dissimuler les pétales pointant au bas de son chandail.
— C’est un peu tard pour cela, ne crois-tu pas ?
Elle le fusilla du regard.
— Que fabriques-tu ici ?
— Je vis ici.
— Tu ne vis pas ici, dit-elle, confuse. C’est ma terre.
— Vraiment ?
Elle était encore tout énervée à présent.
— Enfin, c’est la terre de mes parents.
Elle serrait le bas de son chandail.
— Et tu… tu n’es pas le bienvenu ici.
Comment ses yeux étaient-ils devenus aussi intensément, incroyablement verts ? Des lentilles, se dit-elle fermement.
— Ah non ?
Les yeux de Laurel s’arrondirent quand il avança un pas plus près. Son visage était si confiant, son sourire tellement contagieux, qu’elle fut incapable de s’éloigner de lui. Elle était convaincue de n’avoir jamais rencontré quelqu’un de tel auparavant dans sa vie, mais un sentiment de familiarité la prit d’assaut.
— Qui es-tu ? répéta Laurel.
— Je te l’ai dit ; je suis Tamani.
Elle secoua la tête.
— Qui es-tu réellement ?
Tamani posa un doigt sur les lèvres de Laurel.
— Chut, tout cela en temps voulu. Viens avec moi.
Il lui prit la main et elle ne la retira pas pendant qu’il la guidait plus profondément en forêt. Son autre main oublia petit à petit ce qu’elle faisait et finit par lâcher le chandail.
Les pétales s’élevèrent lentement jusqu’à ce qu’ils soient complètement déployés derrière elle dans toute leur splendeur. Tamani regarda en arrière.
— Là, tu te sens mieux comme cela, n’est-ce pas ?
Laurel ne put qu’acquiescer d’un hochement de tête. Son esprit semblait embrumé, et bien que quelque part dans son cerveau elle sache qu’elle devrait être ennuyée par tout ceci, étrangement, cela ne paraissait pas important. Tout ce qui importait, c’était de suivre ce gars au sourire séduisant.
Il l’amena dans une petite clairière où les feuilles se séparaient au-dessus de leurs têtes, permettant à un cercle de lumière du soleil de s’infiltrer à travers les branches jusque sur la parcelle de gazon parsemée de taches de mousse verte spongieuse. Tamani se vautra sur l’herbe et lui fit signe de s’assoir en face de lui.
Envoûtée, Laurel se contenta de le fixer. Ses cheveux noir et vert pendaient en longues mèches qui lui tombaient sur le front, s’arrêtant à ses yeux. Il portait une chemise blanche flottante qui avait l’air faite maison, comme son pantalon large brun ajusté juste sous le genou. Ils étaient résolument démodés, mais Tamani leur donnait une allure aussi tendance qu’il l’était lui-même. Ses pieds étaient nus, mais même les aiguilles de pin pointues et les brindilles brisées sur le sentier n’avaient pas paru le déranger. Il la dépassait d’environ quinze centimètres et il se déplaçait avec une grâce féline qu’elle n’avait jamais vue chez un autre garçon.
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