Arno Michaelis

Le titre est annonciateur : «le don de nos souffrances». Comment diable peut-on transmuter la douleur en don? C'est le pari que se sont donné les deux protagonistes de ce livre aux allures de biographie.

«La vie est souffrance», vous dirait Bouddha. Pourtant, rappelle Camus, «La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un coeur d'homme» (Camus, 1942). Deux héros, donc, que rien apparemment n'unit, partent en quête d'une pierre philosophale qui saura transformer la souffrance sinon en bonheur, à tout le moins, en un accomplissement positif.

Cette pierre philosophale est le coeur de ma propre quête, le «c'est cela pour moi!» barthien (Barthes, 1973), qui, sait-on jamais, est peut-être la vôtre également.

Ici, l'essence de cette quête se décline ainsi : comment un jeune père de famille sikh, Pardeep, dont le père est tué par un suprémaciste blanc, peut-il accepter de collaborer avec le fondateur d'un groupe si radicalement meurtrier? Et comment le fondateur d'un tel groupe, Arno, peut-il changer si fondamentalement d'opinion au point d'embrasser dorénavant la diversité culturelle? Quels sont les rouages intellectuels et émotifs qui autorisent une telle conversion?

Pour Pardeep, cet Indien new-yorkais, la réponse vient d'une réalisation lumineuse : «I loved Arno, loved him like a brother. […] He was the kindest, most genuine guy I knew» (92.2%) Pardeep, en effet, parvient à percevoir la souffrance qui aura légitimé les choix de vie d'Arno, avant que ce dernier ne se convertisse en un défenseur de la diversité. Quant à Arno, c'est la naissance de sa petite fille qui aura semé la graine du doute nécessaire à la remise en question de ses convictions idéologiques

«During some of my [...] moments with my daughter, I thought back to the times that others had shown me kindness; often when I least deserved it, usually from the people I professed to hate. Kindnesses I'd made myself overlook when they happened, because how could I hate people who were being so nice to me?» (50.6%)

Le parcours de chacun pour parvenir à se saisir de l'élément essentiel à leur transformation personnelle en est un de souffrance et de lutte. Mais ils auront également en commun d'être parvenu à faire fructifier cet ingrédient essentiel : la compassion. Compassion pour la douleur de l'Autre, bien sûr, mais, surtout, pour ses propres limites et ses propres fautes.



RÉFÉRENCES

Barthes, R. (1973). le plaisir du texte. Paris, France : Seuil.

Camus, A. (1942). le Mythe de Sisyphe. Paris, France : Gallimard.