Fille d’un cadet de Bresse
Je fus née au Pont d’Ain l’an 1476, l’onzième jour de septembre, à
cinq heures vingt‑quatre minutes après midi1.
Telles sont les informations que nous livre dans son Journal
Louise de Savoie au sujet de sa venue au monde, au château de
Pont‑d’Ain, en Bresse. En cette fin du xve siècle, qui marque le
crépuscule du Moyen Âge et l’orée de la Renaissance, sans doute
cette naissance n’eut‑elle guère de retentissement dans les cours
européennes voisines de France et de Savoie. Il est toutefois pro‑
bable que le comte Philippe de Bresse ait missionné des émissaires
auprès du puissant roi de France Louis XI, son allié et beau‑frère,
et de son cousin le duc Philibert Ier de Savoie, afin de leur faire part
de l’heureuse nouvelle de la naissance de sa fille aînée, issue de son
union avec Marguerite de Bourbon. Par ses deux parents, l’enfant se
rattachait à d’illustres lignages. Par son père, fils du duc Louis Ier de
Savoie et de la duchesse Anne de Lusignan, Louise était issue de la
Maison de Savoie et de celle, non moins prestigieuse, des Lusignan,
rois de Chypre et de Jérusalem. Par sa mère, fille du duc Charles Ier
de Bourbon et de la duchesse Agnès de Bourgogne, elle descen‑
dait de deux familles qui figuraient au rang des plus puissantes de
l’Europe de la fin du Moyen Âge. Louise de Savoie se trouvait ainsi
alliée aux plus grandes lignées princières de son temps.
Voici près de cinq cents ans, le 14 novembre 1522, s’éteignait dans l’ombre et le silence des tours du château de Chantelle, loin des fastes et de l’animation de la cour qui l’avait vue s’épanouir, Anne de France, dame de Beaujeu, duchesse de Bourbonnais et d’Auvergne, fille du roi de France Louis XI et sœur de Charles VIII. Ce fut une mort discrète, en tout point contraire à l’existence de cette princesse hors du commun qui avait brillé de l’éclat de sa puissance à la cour de France pendant plus d’un demi-siècle. Tour à tour, elle avait guidé un royaume et un duché avec la finesse et l’autorité des plus grands. De Louis XI à François Ier, en passant par Charles VIII et Louis XII, quatre règnes l’avaient vue affirmer aux yeux de ses pairs qu’étaient les princes, rois et empereurs de son époque, l’immensité de sa puissance politique, sa quête inégalée de gloire et de prestige ainsi que son amour des arts et des lettres.
Dans cette société des débuts de la Renaissance, il est parfois difficile de savoir de quel côté se rangent les individus, tant la pratique du retournement et du double jeu est fréquente. Il s’agit d’un véritable mode de comportement à la cour où les alliances se font aussi rapidement qu’elles se défont. Tout l’art d’Anne de France est de savoir conserver ses amis et de se concilier ses ennemis, ce qu’elle s’emploie à faire, comme son père avant elle.