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Citation de chocobogirl


J’aime le mot ravissement. Je n’aime pas sa sonorité, son côté rêche et benêt, son étendue. Mais j’aime sa double acception: ravi du temps, enlevé à l’instant présent, et par voie de fait ravi, heureux, ébaubi de beauté. “Le jeu nous ravit” avait dit un professeur de philosophie aux mains maigres, et il m’avait ainsi fait éprouver pour la première fois l’étrange polysémie du terme. Il y a ici quelque chose de l’ordre de Rimbaud, de Dante, de Claudel, quelque chose de la beauté par l’absence. Et une des manières de rapprocher la lecture du voyage est encore cette absence. (..) Et Dostoïevski, justement, me ravit. Je lis L’Idiot à Ouagadougou et l’idiot ne me rend pas heureuse mais me sort du temps où je vis. Dans le silence vertical de la rue ouagalaise aux heures brûlantes, je vois s’élever une datcha, des calèches, des duvets de neige. D’élégantes dames très pâles se promènent dans leurs manteaux de fourrure au milieu des mamas noires suantes et colorées. Les jeunes hommes russes déchaînent leurs passions vers de jeunes Africaines aux courbes suaves. En vérité, les passions qu’on n’a pas la force d’exprimer ici, le bouillonnement intérieur qu’on tait faute d’air, faute d’espace, semble vivre chez ces quelques têtes brûlées, chez ces Slaves blancs lointains de papier. Je suis enlevée à moi-même. Ravie mais pas enchantée.
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