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Citation de Jacopo


Le Vieillard.
Ne cherche pas l'Amour, s il ne te poursuit pas ;
Laisse se détourner et s'éloigner ses pas
Du banc où, sous l'auvent de ta vieille chaumine,
Tu regardes la mer houleuse qu'illumine,
En brisant un nuage, un soleil orageux.
Car c'est un dieu cruel; les plus doux de ses jeux
Ne vont pas sans qu'il reste au bout de son doigt rose
Un peu du sang des cœurs sur lesquels il se pose.
Redoute le mon fils; et puisque ces grands buis,
Où la brise entretient de légers et clairs bruits,
Te cachent à ses yeux, et couvrent ton haleine.
Qu'il ignore en passant ta présence prochaine.
Et suive son chemin vers les vastes cités.
Dans ce calme hameau que tes jours abrités
Ignorent les désirs, les cris et les souffrances ;
Sa flèche d'or est plus terrible que les lances
Dont le manche de frêne et la pointe de fer,
Perçant les boucliers, s enfoncent dans la chair,
Et renversent les corps sur leur mare sanglante.
La blessure qu'il fait est plus profonde et lente ;
Dans ceux qu'il a frappés l'angoisse de mourir
Se prolonge ; leur peine, ô fils, est de sentir
Qu'il ne pourront plus vivre ; ils ont, sur leurs fronts blêmes,
L'horreur de se savoir le sépulchre d'eux-mêmes ;
Le soleil et l'azur dont ils sont entourés
Ne peuvent plus toucher leurs yeux désespérés
Que pour accroître en eux la stupeur funéraire.
A son embûche essaye, ô fils, de te soustraire,
Et que les passions soient la mer que tu vois
De ce petit vallon paisible, et dont la voix
Redoutable se mêle aux soupirs de ton saule.
Elle est douce parfois, et caresse le môle
Où les pêcheurs chantant sont forcés de hâler
Leur barque dont la voile a peine à se gonfler,
Et sa douceur semble être un des bonheurs du monde.
Mais bientôt tu l'as vue, atroce et furibonde,
De tempête remplir l'horizon et le ciel,
Et, tontine n'attendant qu'un formidable appel,
Envoyer jusqu'ici son écume et ses baves,
Et border à tes pieds le rivage d'épaves ;
Et quelques jours après on retrouvait les corps
Des marins qui chantaient en sortant de leurs ports.
Et n'as-tu pas alors mieux aimé ton village,
Blotti dans la falaise au-dessus du naufrage,
Où la proche forêt donne aux morts leur bûcher,
Ton jardin vert au bout duquel vibre un rucher,
Ton arpent de verger qui de fruits s'illumine,
Ton filet d'eau chantante, et ta sûre chaumine
Oui laisse entrer l'été par son volet ouvert,
Et dont le volet clos écarte l'âpre hiver ?
Crois-moi, plus que la Mer l'Amour est redoutable,
Contemple les de loin, sur ta butte de sable.
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